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Tristan Hordé

Chroniques et notes de lecture
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Franck Venaille - C'est nous les modernes

Franck Venaille

C'est nous les modernes

Franck Venaille
C’est nous les modernes, Flammarion/poésie
2010, 18 €


Lien avec l'éditeur




Voir sur le site e-litterature la chronique de Tristan Hordé sur l'ensemble du livre de Franck Venaille


C’est nous les modernes est un de ces ouvrages peu courants qui, tout en présentant dans une langue simple un "art poétique" et en revenant par petites touches sur son parcours dans la cité, détaille avec une allégresse communicative ce que Venaille apprécie dans la poésie contemporaine. Chaque développement n’excède pas une page et demie, qu’il s’agisse d’évoquer les débuts de la revue action poétique, dont il était partie prenante, des épisodes de sa vie, les poètes du Nord, flamands d’expression française (Henry Bauchau, Liliane Wouters, etc.) ou français (Ludovic Degroote), les "anciens" (Leiris, Guillevic, Frénaud, etc., plus lointainement Maeterlinck et Verlaine), ceux de sa génération (Marie Étienne, Paul-Louis Rossi, etc.) ou ceux nés depuis 1950 (Jean-Louis Giovannoni, Antoine Emaz, Valérie Rouzeau, etc.). Il y a là une passionnante autobiographie intellectuelle en même temps qu’une lecture aiguë, précise, souvent pleine de tendresse, des œuvres poétiques publiées depuis un peu plus d’un siècle.

Pierre Jean Jouve a sa place dans ce vaste panorama très personnel. Un chapitre lui est consacré sous le titre "Pierre Jean Jouve et l’obsession de la faute" et il est, par ailleurs, présent dans trois autres passages du livre. La première mention, incidente, concerne la relation de Venaille au monde et à l’écriture, qui n’est pas sans rapport avec celle de Jouve. J’y reviendrai, relevant ici que pour lui la réalité des personnages de fiction a longtemps été plus forte que celle des êtres humains : à côté de Léopold Bloom et Golaud, il a préféré, écrit-il, « croiser Catherine Crachat que fréquenter Jouve » (p. 35). Manière forte d’affirmer que la littérature compte plus que tout, plus nécessaire que toute autre activité sociale, ce qui est dit autrement : « J’écris parce que je ne peux rien faire d’autre. Je réfléchis par et dans l’écriture. »

La seconde mention porte plus précisément sur l’œuvre. Elle reprend le début d’une notice sur Jouve dans l’Anthologie de la Nouvelle Poésie Française parue en 1924 « Ce n’est pas sans émotion que je lis er relis la note consacrée à Pierre Jean Jouve et à sa noble et mâle désespérance qui se noie dans l’amour. Pas si faux pour quelqu’un qui traite sans le savoir, de Jouve avant Jouve (selon la belle formule de Daniel Leuwers). » (p. 51) La phrase retenue n’est pas complète, elle s’achève par « un espoir dans le désespoir », fragment dont le contenu, avec le motif de la "désespérance", s’accorde avec les choix de Venaille, l’écriture étant pour lui « Une manière élégante […] de lutter contre la tentation du désespoir » (p. 36) Ce qui se rapporte à l’amour est, plus nettement, le sujet d’un troisième passage du livre — et ensuite au cœur du chapitre qui lui est voué.

Henry Bataille est rapproché de Jouve à propos de la manière dont sont compris les sentiments amoureux et la relation des amants :

[Henry Bataille] dans de nombreux poèmes dialogués me fait penser au Jouve si particulier de Beau regard, à ce duel amoureux, cet ultime combat que se livrent les corps avant de se quitter, recueil qui poétise ce que les sentiments peuvent avoir en eux de banal, recueil basé sur le dialogue des amants se couvrant le visage de tristesse pour mieux se reconnaître. (p. 72)

L’idée de "duel", de "combat", est sans aucun doute au cœur de l’érotique jouvienne, Venaille la précise dans le chapitre (p. 91-96) entièrement consacré à Jouve. Il constate la fréquence dans l’œuvre du Christ blessé, « transcription des images troubles de l’Éros », — Christ très présent sous la forme du cerf blessé —, la plaie au flanc renvoyant de manière peu ambiguë au sang et, de là, « au sang versé par la femme, la mère donc ». Plus loin : « Jouve découvre que l’histoire archaïque du désir est le bien commun. » Venaille souligne également, à partir de quelques éléments biographiques, l’extrême solitude de Jouve après sa conversion et son sentiment profond de culpabilité. « Mais de quoi est-il coupable ? Tout simplement d’être né ! » — culpabilité qui devient un matériau pour l’écriture.

Il est certain que ce sentiment profond d’une faute, celle d’être , rapproche Venaille de Jouve : l’auteur de La descente de l’Escaut a régulièrement écrit à ce propos et, dans C’est nous les modernes, parmi plusieurs notations sur ce qu’est la poésie, celle-ci aurait pu se trouver sous la plume de Jouve : la poésie permet une « approche lyrique de la maladie d’exister ». C’est sans aucun doute parce que Venaille partage la vision de Jouve sur certains aspects de la vie que ses analyses ont une si grande acuité.

Février 2011

Tristan Hordé


Pierre Silvain par Tristan Hordé

Pierre Silvain
La Disparition de Pierre SilvainPierre Silvain - Assise devant la mer

Le dernier livre de Pierre Silvain, 2009
Lien avec les éditions Verdier

Pierre Silvain est mort le 30 octobre à Paris. On trouvera sur le site des éditions Verdier sa biographie succincte ; on en retient ses origines limousines et son enfance au Maroc (dont il est question dans le dernier récit publié de son vivant, Assise devant la mer). Fonctionnaire de l'administration des Finances, grand voyageur, il commence à publier à partir de 1960 des romans (La Part de l'ombre, Plon), genre qu'il abandonnera presque à partir de 1990 pour se consacrer à des récits - le premier, Le Guetteur invisible date de cette année-là, accompagné de photographies de P. Schwartz -, à de courts ensembles de "proses", véritables poèmes en prose, et à des essais à propos d'écrivains qu'il aimait : George Büchner (Le Brasier, le fleuve, Gallimard, 2000), Pierre Loti (Le Jardin des retours, Verdier, 2002), Proust (Le Côté de Balbec, L'Escampette, 2005) et Jouve (Passage de la morte, L'Escampette, 2007).

Passage de la morte

Passage de la morte n'est pas un ensemble d'études sur l'œuvre de Jouve, mais un récit autour de l'écrivain et de ses personnages féminins. Le livre débute par le récit d'un narrateur supposé voyager sur une plate-forme d'autobus en même temps que Jouve, qui est décrit jusqu'au moment où il descend pour rencontrer Lisbé. Cette entrée est composée à partir de photographies et de fragments du journal de Jouve, En miroir. Ce "vous" très présent change de statut tout au long du livre, lecteur d'un ouvrage de Jouve, ou de l'essai, après avoir été ce témoin privilégié des années 1930, et se transformant plus tard en témoin de la vieillesse de l'écrivain.

La Lisbé qu'a connue Jouve devient ici un personnage romanesque,  côtoyant une des figures de l'Aventure de Catherine Crachat, Pierre Servandoni. Pierre Silvain, comme il le fait dans ses romans, construit à partir de cette fiction un labyrinthe qui ne quitte jamais Jouve et ses créatures. Il retrouve le Servandoni réel, l'architecte de Saint-Sulpice, suit la rue où vécut Olympe de Gouges qui relie l'église à la rue de Vaugirard ; au moment où Le Passage de la morte a été écrit, un magasin exposait en vitrine des poupées anciennes dont les têtes de porcelaine semblaient avoir subi la décollation ; on se souvient alors du « col uni et désuni » de la femme décapitée d’un poème de Jouve, dans La Vierge de Paris. Une des poupées, de grande taille, était près d'une charrette avec un fouet ; elle évoquait pour Pierre Silvain le trio Lou Andreas Salomé, Paul de Ré et Nietzsche, et le lecteur pense alors à Sils-Maria où Jouve allait en villégiature.

Pierre Silvain - Passage de la morte (L'Escampette)Tout ce qui pourrait d'abord paraître éloigné de Jouve y reconduit toujours, l'un des points d'ancrage étant constitué par les lieux qu'il a occupés ou dans lesquels il a situé ses personnages. Un sort particulier est réservé à la place Saint-Sulpice ; Jouve contemplait de son bureau le chevet de l'église et se souvenait des étranges dessins de Charles Meryon, qu'il appréciait : il a écrit dans son journal que l’activité de cet artiste « témoigne que l’inconnu de l’être entoure toutes choses ». Cet inconnu dans l’œuvre de Jouve, Pierre Silvain le suggère en rapprochant des proses et des poèmes. Par exemple, la ligne bleue que trace sur son corps Catherine Crachat entraîne une longue variation sur cette couleur chez Jouve jusqu’à ce que le lecteur - « vous » -, pris dans le récit et emmené dans les rues d’une ville du Maroc pour y rencontrer maintes nuances du bleu, y croise Paulina « vêtue de noir, belle et pâle », qui le conduit à Carona, dans le Tessin, où « Pierre Jean Jouve a l’habitude de séjourner pendant la saison chaude ».
Le bleu, si présent dans l’œuvre, Jouve l’abandonnera progressivement, comme il laissera dans sa poésie les contraintes de la rime et du nombre pour le retour au vers libre, la liberté de forme du verset. Pierre Silvain souligne dans cette évolution le parallélisme avec la fréquentation forte de la musique, notamment celle d’Alban Berg. C’est alors que viennent dans la poésie des inventions - celles de Mélodrame, de Moires, de Ténèbre -, « un détachement à l’égard de la primauté du texte, du sens, de l’image, au bénéfice du chant », qui répondent à la ligne constamment tenue par Jouve : aller toujours vers l’étonnement parce que, comme il l’écrivait,  « écrire, noircir du papier avec les signes d’une phrase est inquiétant, douloureux presque toujours, pourtant merveilleux ».
     Pierre Silvain achève le parcours auprès de Jouve par la tombe au cimetière Montparnasse où « rien ne signale que là dort un poète. Seule en témoigne, sur la dalle nue au bord de laquelle vous l’avez déposée, une fleur bleue ». Écho au dernier chapitre du Monde désert, qui tient en une phrase : « Une fleur dans la montagne ».

Tristan Hordé

Pierrre Silvain lisant

Juliet Letrouvé colporteur

(photos Tristan Hordé)

Pierre Silvain par Angèle Paoli
Pierre_Silvain_Lisant_par_Tristan_Hordé
 
Couverture - Lauriane Sable - Paulina 1880 - Le Secret
Lauriane Sable 

Paulina 1880 , une poétique du Secret
Lauriane Sable,

Pierre Jean Jouve, une poétique du secret,
Étude de Paulina 1880,

éditons L’Harmattan, 14 €.

Présentation détaillée du livre

    Lauriane Sable a choisi d’étudier Paulina 1880 en soumettant le roman à une proposition de Jouve extraite de En Miroir

« le secret est intime à l’œuvre car il n’y a pas une œuvre de quelque importance qui veuille vraiment livrer son fond, et expliquer son but avec son origine ». 

Elle prend la notion de secret en plusieurs sens : ce qui est caché (ou doit l’être) et ce qui correspond pour l’individu à une réalité intérieure. La notion est étendue et inclut l’emploi de "mystère" au sens de « ce qui n’est pas accessible à la raison ». Seule cette polysémie permet de se consacrer à des aspects variés de l’œuvre et d’analyser de quelle manière ils contribuent dans leur entrelacement à définir une « poétique du secret » : les espaces, le corps et l’esprit de Paulina, l’adultère et l’expérience mystique, enfin l’écriture même du roman. Chacun des ensembles est étudié à partir d’une information solide que laisse deviner le choix bibliographique : textes relatifs à l’œuvre de Jouve, essais sur le secret en littérature et sous l’angle de la philosophie et de la psychanalyse.

    Il y a nettement dans Paulina 1880 une spatialisation du secret. Le roman débute par l’entrée dans la chambre bleue. Lauriane Sable relève et analyse différents éléments (caractère clos, absence de lumière, silence, etc.) propres à laisser supposer un secret. Mais rien n’en sera dit, la description est lacunaire et le narrateur n’éclaire pas le lecteur qui reste dans l’attente. Cette esquive répond à un choix de structure, il s’agit non de présenter concrètement un lieu, mais « un espace symbolique qui condense l’œuvre » : « la chambre bleue contient en quelque sorte Paulina 1880 ; c’est là son véritable secret ». Les autres chambres du roman, différentes selon les moments de la vie de Paulina, ont des caractères analogues : ce sont des lieux symboliques et Paulina y dissimule ce qui ne peut (ne doit) être mis au jour pour les autres. 

    Ainsi l’adultère. Il oblige, par nature, au secret, pour pouvoir être vécu. Le découvrir est s’exposer au scandale, à la perte de l’honneur de la famille, mais il représente aussi pour Paulina un moyen de passer outre aux règles imposées par l’ensemble de la famille et d’affirmer (à ses yeux) son autonomie. « Le secret et la transgression des lois sociales et familiales ont [...] intimement accompagné sa découverte du désir et du plaisir érotique ». Quand Michele est libre, par son veuvage, de l’épouser, Paulina refuse parce que, fortement, son désir amoureux est lié au secret. Lauriane Sable ajoute un autre élément qui renforce le refus de Paulina : l’adultère apparaît comme « un transfert de l’amour incestueux » et le mariage ne peut s’y substituer.

    Ainsi encore les mortifications dans la cellule du couvent. Paulina y rejoue par la violence infligée au corps la perte de sa virginité et, dans sa relation au divin, elle répète la structure de celle avec son amant :  son plaisir masochiste est vécu dans le secret et la transgression d’un interdit. On suivra Lauriane Sable dans son analyse du journal de l’expérience mystique et dans son interprétation de cette expérience ; la recherche de l’union avec Dieu vise l’impossible, c’est-à-dire le partage du secret le plus absolu.

    Le personnage de Paulina reste opaque d’un bout à l’autre du roman, tant physiquement (aucune description n’est satisfaisante) que spirituellement. La lecture de son journal intime n’apprend à peu près rien d’elle au lecteur et Michele, le personnage le plus proche d’elle, est incapable lui-même de saisir ce qui anime sa maîtresse. Enfermé dans son désir de sortir de l’adultère, il provoque sa propre mort par son aveuglement : Paulina ne peut pas sortir de la liaison secrète. Tuant Michele, elle ne sait pas pourquoi elle le fait mais elle accepte alors « ce secret qu’elle porte en elle et qui fait partie d’elle-même, elle retrouve une unité, ainsi que son identité ».

    La dernière partie de l’essai, consacrée à l’étude de l’écriture du roman, emporte la conviction, surtout dans l’analyse de la temporalité et de la variation des points de vue. Ajoutons que Lauriane Sable, qui n’embarrasse pas ses analyses de termes techniques, achève chaque chapitre par une synthèse très précise et claire. On aurait seulement souhaité quelques suggestions pour lire d’autres proses de Jouve à partir de cette « poétique du secret », mais ne boudons pas notre plaisir : avec cet essai, on relit autrement Paulina 1880.

                                Tristan Hordé


Couverture - Atelier du Roman N° 56

 
Atelier du Roman

Pierre Jean Jouve - Voyage au bout de la psyché
 
Atelier du Roman N° 56
 
Pierre Jean Jouve - Voyage au bout de la psyché

Décembre 2008, N° 56,

Flammarion-Boréal

Présentation détaillée du Livre sur le Site Jouve

 

    L’ensemble des études, organisé par Philippe Raymond-Thimonga, n’est pas restreint, loin s’en faut, aux romans de Jouve ; il n’y a pas en effet dans son œuvre de coupure entre son univers romanesque et sa poésie. C’est d’ailleurs le passage du vers à la prose, du Voyage sentimental (1922) à Paulina 1880 (1925) qui retient Béatrice Bonhomme ("Poésie et prose comme giration volumineuse"). Par une lecture attentive, elle met en lumière le fait que les deux œuvres sont, d’une manière chaque fois particulière, des récits ; la comparaison et l’analyse de plusieurs extraits permet d’établir entre elles des « correspondances par la récurrence de certaines figures, images et symboles se rappelant en écho ».

    Aucune séparation non plus n’est faite entre les genres dans la contribution de Michael G. Kelly ("La conversion impure") : la vision développée dans la poésie comme dans le roman prend en charge symboliquement toute l’expérience du sujet. L’étude éclaire les rapports complexes de Jouve à la théologie chrétienne, et montre en quoi sa conversion est "impure" : fondée sur une mise en communication du mythe et de l’histoire, du physique et du métaphysique. Pour Jouve, "Dieu"  figure « le nom d’une démarche conjointe de la conscience et du désir ». C’est à partir de là que Michael G. Kelly le rapproche de Dostoïevski, l’un et l’autre « unissent une lecture passionnée de la scène historique à une appréhension abyssale du sujet individuel ». On le suivra dans sa lecture précise et argumentée du point de vue de Jouve, qui a tenté inlassablement de réunir « une parole totale et une parfaite transparence à soi ».

    C’est d’une autre façon que Philippe Raymond-Thimonga ("L’héroïsme et la sainteté") aborde la question de la religion, en partant d’une phrase du journal de Jouve à propos du « rôle sanctificateur de l’Art ». Tout ce à quoi tendait Jouve était de parvenir à se transformer spirituellement par l’acte poétique, transformation qui aurait établi « le divin de la Nature ». C’est peu dire qu’il a échoué, ou plutôt que l’immense travail de l’écriture l’a conduit à trouver son salut non dans la religion mais dans l’ordre esthétique, isolant dans son approche de la beauté le « caractère d’éternel devenu sensible ». Philippe Raymond-Thimonga, poursuivant d’ailleurs une réflexion ancienne sur l’esthétique jouvienne, analyse ce qui distingue Jouve notamment de Baudelaire et comment s’opère chez lui le glissement du rôle sanctificateur de l’Art au travail de sanctification de l’Art.

    C’est à partir d’une interprétation de l’histoire de Catherine Crachat, de remarques de Michel Schneider et de Jouve lui-même, que Quentin Debray ("Aventure de Catherine Crachat ; Littérature, poésie et psychanalyse") montre en quoi « la littérature commence où la psychanalyse finit ». Leçon qui contribue à s’interroger sur ce qui demeure inconnaissable dans la création littéraire : « C’est à un autre inconscient, esthétique, que se nourrissent la littérature et surtout la poésie. Le mystère des mots éveille en nous des fleurs de sens qui reviennent vers nous et créent un nouveau monde ».

    On perçoit par le survol de ces articles l’importance de la réflexion sur la littérature suscitée par l’œuvre de Jouve qu’il est aujourd’hui nécessaire de défendre, comme le souligne Jean-Yves Masson ("Aimer Jouve"). Elle est trop peu - et mal - lue, alors que son influence a été importante, assez clairement sur l’écriture de Marguerite Duras mais aussi sur une partie du roman contemporain. Plus largement, « De mille manières, Jouve est au carrefour des grandes interrogations qui ont tissé le XXe siècle : mais à chaque fois, il les reformule à sa manière et se tient à l’écart des dogmes ». Jean-Yves Masson revient sur l’importance de la sexualité dans les romans et les livres de poèmes (et pas seulement dans Les Beaux masques, qui ne fut pas publié du vivant de Jouve) et il analyse en quoi les uns et les autres sont des façons différentes d’explorer le même labyrinthe : accepter la contradiction en soi-même, la part obscure que rien ne peut réduire. Au-delà de chaque destin individuel, si la littérature à un sens pour Jouve, il est de combattre « contre ce qui mène à sa perte un monde, une civilisation, une langue : le règne du divertissement, l’oubli des fins de l’homme, l’inconscience de la mort ».

    Ajoutons que le dossier s’ouvre par un dessin de Serge Popoff : visage qui donne à voir un homme des antagonismes, et que la livraison débute par un autre dessin, de Sempé : dans une sorte d’atelier, un grand tableau face à la porte représente une femme nue, jambes ouvertes, et le peintre - on reconnaît Jouve - regarde un peu surpris une autre femme, réelle, tombée de saisissement avec plateau et théière quand elle est entrée dans l’atelier de l’artiste...


           Tristan Hordé
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Dernière mise à jour : 1er mars  2011