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Notes éparses sur Pierre Jean Jouve 


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Jugements sur Pierre Jean Jouve

(Première Série)

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par Jean-Paul Louis-Lambert

Lecteurs de Jouve

Jouve a eu le privilège d’avoir été lu, et souvent bien lu, par des lecteurs exceptionnels, et dans cette première série, nous rencontrons : Jean AmroucheBalthus, Roger Bastide, Albert Béguin, Joë Bousquet, André Breton, Martine Broda, André Delons, Paul Eluard, Ramon Fernandez, David Gascoyne, Charles de Gaulle, Robert Guiette, Bernard Groethuysen, Alain Jouffroy, Nelly Kaplan, Pierre KlossowkiJacques Lacan, André MassonFrançois Mauriac, René Micha, Dominique Noguez, Jean Paulhan et Dominique Aury, Gaétan Picon, Rachilde, André Pieyre de Mandiargues, Marcel Raymond, Romain Rolland, Jean Schlumberger, Jean StarobinskiSalah Stétié, Jean WahlFrançois Weyergans

Consultez notre Deuxième Série.
Consultez aussi

 les Juvenilia, textes recueillis par Mikaël Lugan : nombreuses chroniques d'époque sur les livres du "jeune Jouve" — par Henri Martineau, Rachilde, Georges Duhamel, Les Treize, Jules Romains, Tancrède de Visan, etc. 


1915

Romain Rolland

Lettre de Romain Rolland à Pierre Jean Jouve

in : Romain Rolland, Journal des Années de guerre 1914-1919, Albin Michel, 1952, p. 476.
« Il est naturel que vous souffriez. Mais vous ne devez pas douter. Quand l'humanité serait condamnée à la destruction et le monde au néant, nous portons en nous la paix et l'éternel ; nous ne les avons pas créés ; ce sont eux qui nous créent. (On le sent, en lisant votre beau livre [Vous êtes des Hommes]. J'y reconnais la marque des grandes oeuvres : une force qui les dépasse). »



1926

Jean Schlumberger

Note critique sur Paulina 1880
NRF, 1er mars 1926

« Avec beaucoup de perspicacité, de profondeur et l'on peut dire de divination, Pierre Jean Jouve a montré, dans la formation de la jeune Paulina, l'inextricable confusion des éléments sensuels et mystiques. »


(Réédité dans L'oeil de la NRF - Cent livres pour un siècle, Folio,  2009). 




1927
Ramon Fernandez
Le Monde désert, par Pierre Jean Jouve
 
NRF, N° 165, 1er juin 1927,
p. 323-325

« M. Jouve est un poète qui, comme on dit, est venu au roman, et qui a eu à résoudre, comme tous les romanciers modernes, le problème du récit, c'est-à-dire de la liaison et de la perspectives des épisodes. Afin de ne conserver que les temps forts, les passages pleins, les moments essentiels, sans disloquer l'enchaînement romanesque, il a combiné plusiuers procédés. Le livre est divisé en chapitres brefs, quelquefois en simples paragraphes qui pratiquent des coupes vive dans l'histoire. M. Jouve arrive par ce moyen à renouveler indéfiniment l'effet de suggestion pure et de commencement absolu qu'il est si difficile de produire plus de deux ou trois fois dans un roman, et à nous maintenir dans le vif de l'histoire. »

Remerciements
à Dorothée Catoen

1929Bernard Groethuysen
Note critique sur Hécate
NRF, mars 1929, pp. 401-404

« C'est dans le dernier roman de Jouve, dans Hécate, qu'on saisit, je crois, le mieux le motif de la mort qui confond tout : les vivants, les images et le poète. »


(Réédité en annexe de : Lettres à Jean Paulhan - 1925-1961, "Tout de ma vie est toujours tourmenté et très dur avec quelques belles choses", Édition  établie, préfacée et annotée par Muriel Pic, Paris, Éditions Claire Paulhan, 2006)

1929

André Delons

Le Paradis perdu
Cahiers du Sud, décembre 1929

« Une poésie végétale, armée de désarmantes douceurs, fait de ce livre une longue voix unique qui, par moments, lorsqu'elle pénètre le monde à ses points les plus infudèles, lorsqu'elle se porte au coeur de la chose, lorsqu'elle soulève la matière par le dessous et réinstalle les éléments par leur pointe, se charge d'une odeuruniverselle analogue à une universelle pensée. L'idée respirante. » 


(Réédité dans : André Delons, Au carrefour du Grand Jeu et du Surréalisme - Textes polémiques et artitiques réunis et présentés par Alain et Odette Virmaux, Rougerie, 1988)

1933

Marcel Raymond

Marcel Raymond - De Baudelaire au Surréalisme

De Baudelaire au Surréalisme

Essai sur le mouvement poétique contemporain

Editions R.-A. Corrêa, 1933

p. 376-380

Réédition Librairie José Corti, 1940

« La poésie de Pierre-Jean Jouve, sous sa forme la plus haute, fait songer à ces puits artésiens qui percent les roches et les terres arides, et d'où jaillit l'eau délicieuse et chaste. (...) 

Cette poésie est commandée presque toute entière par le sentiment du péché, ou par l'espoir de lui échapper. (...)

Le climat du péché, c'est la torpeur des beaux jours, où le soleil pèse sur les choses, dévore les êtres, exaspère les désirs. Les réalités de l'amour se dénudent brusquement comme un glaive (...) Et l'homme cède à ce besoin d'infamie qui est en lui. (...)

Mais ce monde "plus vrai", pour le véritable mystique, est ineffable. (...)

L'angoisse, pour un moment, est conjurée, le fardeau sans poids, dans une oasis de verdure et de musique. Mais le bonheur reste tremblant. Le sang recommencera de couler, la vie posera de nouveau son fer rouge sur le flanc de l'homme. Pour dire sa brûlure, il faudra de nouveau des mots déchirants qui touchent l'âme comme une bête dans son terrier. Ces souffles venus du ciel ou de l'enfer, comme chez William Blake, cette alternance d'allègements divins et de tentations démoniaques composent l'atmosphère et la trame de cette existence. »

1933-1935-1936

Joë Bousquet

Cahiers du Sud,
novembre 1933

  « Pierre Jean Jouve est pris d'un vrai délire poétique et il enregistre tous les frissons annonciateurs d'une vérité qui dormait l'épais sommeil de notre ignorance. » 

Cahiers du Sud,
février 1935

 « Et je veux déclarer ici que nul n'admire plus que moi l'oeuvre du poète faustien, mais que personne ne trouvera jamais aussi profondément comique son espoir. Voilà un homme qui voit plus loin et plus clair peut-être qu'aucun autre et qui croit en Dieu ! Heureusement qu'à en juger selon les propres règles de sa foi, il est irrémédiablement damné. » 

A propos de "La Scène Capitale"
Cahiers du Sud
Avril 1936
« Pierre Jean Jouve me paraît représenter le type le plus accompli de ces poètes, que j'ai nommés ailleurs les Faustiens, et qui se sont acheminés par la science vers une méthode positive et directe de connaissance. Après "Sueur de Sang" qui était tout en traits de feu, La Scène Capitale est l'oeuvre de lumière, un livre qui ne peut être comparé à aucun autre, où l'acte rejoint la pensée et, dans une belle explosion plastique, frappe une vérité éternelle à l'effigie du réel. Un langage nouveau, lourd et clair comme le diamant y est mis au monde, on dirait par hasard...»

(Réédité dans : Joë Bousquet : Lumière, infranchissable pourriture et autres essais sur Jouve, Fata Morgana, 1987)

1934-1935-1957

André Breton

1934

La Grande actualité poétique


Manuscrit autographe, daté et signé par Breton.

Publié dans Minotaure, N° 6, décembre 1934
Personnes citées : Louis Aragon, Charles Baudelaire, André Breton, Claude Cahun, Pierre Dupont, Sigmund Freud, Pierre Jean Jouve, Gisèle Prassinos, Pierre Reverdy, Arthur Rimbaud, Tristan Tzara
« Les poètes qui ont travaillé depuis Rimbaud à affranchir la poésie du rationnel, savent très bien (même s'ils ne croient point le savoir) qu'ils ont retrouvé dans l'inconscient, ou du moins la pensée autant que possible influencée de l'inconscient, l'ancienne et la nouvelle source et qu'ils se sont approchés par là d'un but nouveau pour tout le monde...

et ceci les poètes l'ont dit avant Freud : Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé, enfin Baudelaire... ».
Cet extrait, donné  par le site andrébreton.fr, est constitué de deux citations issues de
« Inconscient, Spiritualité et Catastrophe », l' « Avant propos dialectique » de Jouve pour Sueur de SangCahiers Libres,
dans la version de 1934
.

(Transcription du manuscrit scanné sur le site andrébreton.fr, réédité dans La Pléiade, Tome II, Alentours I, pages 54 à 544 et page 550).
1935
André Breton - Position politique du Surréalisme

Position politique du Surréalisme

« ... oui, je suis pour la constitution de ce front  unique de la poésie et de l'art. En ce qui concerne la conception que chacun d'eux a de son rôle propre, je ne vois aucun antagonisme fondamental, par exemple, entre Pierre-Jean Jouve, qui estime que "dans son expérience actuelle, la poésie est en présence de multiples condensations à travers quoi elle arrive à toucher au symbole – non plus contrôlé par l'intelligence mais, surgi, redoutable et réel", Tristan Tzara [...], et André Malraux [...]. Si je ne découvre aucun obstacle essentiel à la formation de ce "front unique", c'est qu'il me paraît évident que l'élucidation des moyens propre à l'art d'aujourd'hui digne de ce nom, l'élaboration même du mythe personnel dont il vient de s'agir ... » 
Editions du Sagittaire(Réédité par Jean-Jacques Pauvert, 1962, 1971, puis  dans la collection "Livre de Poche - Biblio - essais", 1991, p. 40-41)
 
Remerciementsà Dominique Rabourdin : André Breton et Pierre Jean Jouve – La grande actualité poétique.   
 
15 mai 1957

Interview par Pierre de Boisdeffre

sur l'actualité de la formule rimbaldienne: «Changer la vie» et sur les poètes d'hier ou d'aujourd'hui dont il se sent proche

Les Nouvelles Littéraires
« En ce qui concerne les poètes d'hier, au risque de me surprendre trop peu mais dans le désir d'en finir sur ce plan de l'absurde et caduque distinction de l'œuvre poétique en prose et en vers, je citerai Jean-Jacques Rousseau, Chateaubriand, Novalis, Hölderlin, Hugo, Nerval, Fourier, Baudelaire, Lautréamont, Rimbaud, Nietzsche, Mallarmé, Charles Cros, Huysmans, Jarry, Roussel, Apollinaire. J'ajouterais Artaud s'il n'était encore, pour moi, d'aujourd'hui. Vous m'exposez beaucoup en m'invitant à choisir parmi les poètes vivants mais qu'à cela ne tienne, disons Saint-John Perse, Reverdy, Jouve, Péret, Michaux, Char, Gracq, Georges Bataille, Césaire, Schéhadé, Pieyre de Mandiargues, Malcolm de Chazal, force m'est de m'en tenir à ceux qui se sont manifestés depuis le plus longtemps ou dont l'œuvre est déjà très étendue.»

(Transcription du manuscrit scanné sur le site andrébreton.fr)

1er novembre 1934

André Masson

Lettre à D.-H. Kahnweiler
in Correspondance 1916-1942,
Edition établie, présentée et annotée par Françoise Levaillant, La Manufacture, 1990, p. 223.
« Je vais écrire à Jouve ; je suis très content qu'il écrive quelque chose à mon sujet parce que j'aime beaucoup ce qu'il écrit et je suis d'accord avec lui sur ce qu'on doit entendre et retenir dès qu'il s'agit de poësie. »  André Masson Correspondance 1916-1942

1935

Antoinette de Watteville à son frère Robert

Lettre du 11 décembre 1935 (originale en allemand), in :
Balthus : Correspondance amoureuse avec Antoinette de Watteville 1928-1937, texte établi et commenté par S. et T.K.R., Buchet-Chastel, 2001. 

« Balthus m'a prêté le dernier livre de Jouve [La Scène capitale] qu'il considère comme son meilleur, mais il m'a totalement dégoûté par son côté malsain et son érotisme exacerbé tant et si bien que ce livre, malgré d'admirables descriptions de la nature et sa grande poésie, ne pouvait tout simplement pas me plaire, ce que Balthus a regretté comme étant un manque de compréhension [en français] de ma part, mais je ne peux pas faire autrement et ne pouvais pas suivre. »  


(Balthus et Antoinette se sont mariés à Berne en avril 1937

1936

Jean Wahl

Note critique sur Sueur de Sang
N.R.F., janvier 1936

« Deux traits me paraissent particulièrement caractériser la poésie de Jouve dans Sueur de Sang : d'abord une humanisation de l'espace, et il ne s'agit pas seulement d'une anthropomorphisation des objets et d'une relation humaine entre eux et nous, mais d'une vie de l'espace : "l'espace humainement malade sous le ciel" (par exemple dans "L'Orage changé en Femme"); ensuite une sorte de mouvement lent et sourd, par lequel la matière se pétrit, se transforme. L'œuvre du poète, c'est une œuvre de transmutation.»


(Réédité en annexe de : Lettres à Jean Paulhan - 1925-1961, "Tout de ma vie est toujours tourmenté et très dur avec quelques belles choses", Édition  établie, préfacée et annotée par Muriel Pic, Paris, Éditions Claire Paulhan, 2006)

1936

Robert Guiette

Pierre Jean Jouve
Cahiers du Sud
Avril 1936

« Ses anciens amis réprouvèrent son second mariage. Il dut rompre avec eux, tourner le dos – non sas un grand déchirement – à sa vie. Il renonça à toutes ses affections anciennes, à son oeuvre passée. (...) Le vrai Pierre Jean Jouve est né, qu'on n'avait fait que soupçonner jusqu'alors à quelques allusions involontaires. Il s'accomplit tout d'un coup dans un merveilleux mouvement de jeunesse. (...)

 Le monde entier révèle une nouvelle et mystérieuse signification. Il se creuse en abîmes. Les symboles apparaissent d'eux-mêmes. Une vie nouvelle gonfle êtres et choses. Du "plus humain". Il semble que l'humain ait revêtu une quatrième dimension. »


1936

Roger Bastide

Sueur de Sang et l'Unité de la Pensée de Pierre Jean Jouve
Cahiers du Sud
Avril 1936

« Dès lors, on conçoit l'erreur grossière de ceux qui ont vu dans les derniers poèmes de Jouve une matière érotologique. Ce que le poète va chercher dans la nuit des organes, c'est uniquement cet espoir de libération et de bonheur, cette forme blanchâtre de Dieu qui flotte :

Les crachats sur l'asphaltes m'ont toujours fait penser

A la face imprimée au voile des saintes femmes

 Seulement par une de ces correspondances mystérieuses dont Jouve est coutumier (...), ce Commencement absolu est aussi la Fin, l'Alpha est en même temps l'Oméga. Voilà pourquoi Sueur de Sang est traversé de deux grands vols d'ailes, qui font sur les vers des taches d'ombre et de clarté : l'Ange de la Mort et celui de l'Annonciation. Par des métamorphoses magiques, les vagins noirs deviennent des buccins au cri éclatant, le sang menstruel le sang de l'agneau, et le placenté est une Apocalypse.  »


Réédité dans Bastidiana n° 10-11, "Poésie, mysticisme et sociologie", avril-septembre 1995.

23 janvier 1939

David Gascoyne

Journal de Paris et d'ailleurs 1936/1942

Traduit de l'anglais et présenté  par Christine Jordis, préface de Lawrence Durrell, Bibliothèque anglaise, Flammarion, 1984, p.314.

« Pierre Jean Jouve m'a envoyé Kyrie dans l'édition de la NRF qui vient de paraître. Qu'il soit capable de continuer à écrire une poésie si pure, si intense, à une époque pareille, tient du miracle. La première des deux nouvelles section, Les Quatre Cavaliers, est admirable.

Nous avons étonné par nos grandes souffrances
L'inclinaison des astres indifférents...

 Il est peu d'œuvres littéraires qui, à première vue, semblent plus éloignés du monde de la politique ; peu de poètes pourtant ont aussi profondément souffert des évènements de l'histoire  – la Tchécoslovaquie, l'Autriche, l'Espagne ; et je ne connais personne qui ait si pleinement exprimé l'atmosphère apocalyptique de notre temps ni avec un sens aussi poussé du "sublime"  »

David Gascoyne Journal 1936-1942

1940

René Micha

L'Oeuvre de Pierre Jean Jouve
Les Cahiers du journal des Poètes
N° 71 – 1er janvier 1940
« Paulina 1880 est une oeuvre extraordinaire dont le souvenir hante longtemps le lecteur, comme s'il avait forcé la serrure d'un album secret et pris un mortel plaisir à assouvir sa curiosité. Il éprouve un lent malaise. Peut-être craint-il le feu du ciel dérobé pour lui ?  »

20 juin 1940

Max-Pol Fouchet

« Nous ne sommes pas vaincus »

Editorial de la Revue Fontaine N° 10, Alger, 1940

« Conquérir des terres plait à certains. Mais les terres sont des sables où s'effacent les pas. Les plus heureux des conquérants, que sont-ils en définitive, sinon des anecdotes ? Ce qui demeure, plus qu'Alexandre, César ou Napoléon même, c'est Platon, c'est Virgile, c'est Racine. Notre époque, sachons-le, sera celle de Bergson, de Valéry, de Claudel, de Gide, de nombreux autres. La permanence, la voilà. Et le reste est histoire.

La victoire française est de répondre par qualques noms. Sommes-nous assez conscients de nos poètes ? Savons-nous assez qu'à la suite d'Apollinaire et de Péguy, autour de Claudel, de Supervielle, de Jouve, d'Eluard, de Cocteau, de Max Jacob, de Valéry, de Montherlant, pour ne citer que ceux là, se déploie, animée de la plus haute conscience, une admirable poésie ? »


(Réédité dans Les Poètes dans la guerre – Les Poètes de la revue Fontaine, Poésie 1 N° 55/61, Septembre-Novembre 1978, p. 61-62)Max-Pol Fouchet- Les Poètes de la Revue Fontaine


1942

Albert Béguin

Quatre de nos poètes

Revue Fontaine

Juin 1942

« Les oeuvres récentes de Pierre Jean Jouve, dont plusieurs sont antérieures à la grande catastrophe, demeureront liées à notre profonde mémoire de ces lourdes saisons. Car tout, en elles, correspond au sens le plus caché de ce que nous déchiffrons à grand'peine dans le tumultueux discours des faits. Cette liaison nécessaire entre l'oeuvre la plus solide, la plus intérieure qui soit, et la signification dernière de l'histoire collective, personne n'en a eu, je crois, une perception plus lucide que Jouve lui-même : c'est ce qui fait d'abord le prix de ses essais sur Mozart, Baudelaire et Mallarmé. »


(Réédité dans : Albert Béguin, Création et Destinée II - La Réalité du rêve, choix de textes et notes par Pierre Grotzer - Préface de Marcel Raymond, Aux éditions du Seuil, 1974)

1942-1946-1982

Jean Starobinski

Porche à la Nuits des Saints

La Suisse contemporaine
N° 3, mars 1942

« La voix qui aiujourd'hui dit "les choses nues, les choses essentielles", a conservé cette intensité d'azur ou d'orage que nous aimons dans les Noces, dans Sueur de sang et dans Matière céleste. C'est toujours le même univers, habité par les mêmes puissances. Mais, dans le temps de quelques années, le destin a travaillé avec une force inouïe au sein de cet univers. Ce qui s'est passé (...) c'est la tribulation tragique, sur le chemin spirituel et mystique, d'une âme en quête de son Tout, amoureuse de l'Etre et de l'Existence absolue. Simultanément, c'est l'épreuve de l'immense catastrophe historique, depuis longtemps présagée, prophétisée dans les grandes images apocalyptique de Kyrie, –  car l'univers de Pierre Jean Jouve n'est pas une construction en marge du monde et la passion du poète n'est pas séparée de la passion des peuples ; l'idée d'un inconscient collectif est chère à Pierre Jean Jouve et c'est de cet inconscient universel que le drame tient sa force ». 


(réédité dans Jean Starobindki : La poésie et la guerre. Chroniques 1924-1944, Mini Zoé, 1999)
Situation de Pierre Jean Jouve
in Pierre Jean Jouve - Poète et Romancier
A la Baconnière - 1946
« Il y a des oeuvres qui mettent au défi l'exégèse, – non qu'elles soient obscures, mais parce qu'elles gardent toujours leur mystère entier, irréductible à toute tentative d'élucidation. »
Jean Starobinski,
Préface à La Scène capitale, Gallimard, 1982.

« Il ne reste aujourd'hui qu'à souligner ce fait trop méconnu : le roman Vagadu (1931), les Histoires sanglantes, La Scène capitale furent, parallèlement aux poèmes de Sueur de sang (1935), les premières œuvres françaises écrites à partir de la psychanalyse - de la pensée freudienne à la fois pleinement comprise et librement retravaillée ». 


1942

Jean Amrouche

Jean El Mouhoub Amrouche

Journal 1928-1962

édité et présenté par Tassadit Yacine Titouh

Éditions Non Lieu

Jean Amrouche - Journal - Couverture

p. 92 à 94

27 octobre 1942

Reçu ce matin Le Paradis Perdu de Jouve. Sa fidélité me touche profondément. Je sens dans cette occasion que je ne perdrais pas absolument mon temps dans la critique. Qu'un article ait suffi à produire un sentiment de cette qualité, cela me confond un peu. Il est vrai que le P.E. y est pour quelque chose.

Il importe que ma conférence sur Jouve soit très belle. Lui écrire directement  pour lui demander le renseignements dont j'ai besoin.

(suite de la même journée)

... Baudelaire, Mallarmé, Éluard : Poésie aérienne, qui sublime la matière en esprit.

Démarche inverse de Jouve et d'Emmanuel qui incarne dans la matière, dans le sang, l'esprit qui en est séparé.

6 novembre 1942  

De nos jours sans doute Jouve n'est pas encore visible. Je prends délibérément mon parti de cela. Impossible de classer l'oeuvre de Jouve, de l'évaluer, peut-être même, de la voir telle qu'elle, dans la lumière qu'elle établira elle-même autour d'elle quand elle sera "changée en elle-même".


  • Sur YouTube, un hommage à Jean Amrouche (6 avril 1906-16 avril 1962), enregistré le 17 avril 1962, avec les voix de Henry Barraud, Henri Hell, Marcel Jouhandeau, Gian Carlo Vigorelli, Pierre Jean Jouve,  Albert Memmi, Jean Daniel, Jean Lacouture, R. P. Dubarle.... Diffusé sur France III National. 
Remerciementsà François Angelier


1943

Armand Salacrou

Cahiers du Sud N° 260,
octobre 1943
« Pierre-Jean Jouve écrit fort justement à propos du Don Juan de Mozart : "la réalité de l'oeuvre de génie peut exiger pour apparaître un long dépouillement de valeurs faussement reconnues comme les siennes (...) elle devient ainsi non plus l'oeuvre de Mozart, mais l'ouvrage de l'univers". »
 
1945

Charles de Gaulle

Télégramme de Charles de Gaulle, 12 mai 1945, reproduit dans le Cahier de l'Herne, Pierre Jean Jouve, 1972.« Merci d'avoir été un interprète de l'âme française pendant ces dernières années »

1946Paul Eluard
Dédicace par Paul Eluard
d'un exemplaire de

Poésie Ininterrompue

« à Pierre-Jean Jouve,
au grand poète
que j’ai toujours
aimé, admiré,
Paul Eluard »
(Référence : catalogue de la vente  Binoche-Renaud-Giquello / expert Claude Oterelo - Drouot, 21 octobre 2009)
1947

Jean Paulhan et Dominique Aury

La Patrie se fait tous les jours - Texte français 1939-1945
Editions de Minuit, 1947

« Ses poèmes Kyrie, Résurrection des Morts et A la France ont laissé pressentir la catastrophe. »


1948

Pierre Klossowski

Pierre Jean Jouve romancier :
Caherine Crachat
Revue Critique n° 27, août 1948

« Quinze ans ont passé depuis la première parution de ces ouvrages, période dont le dernier tiers constituait l'épreuve des bouleversements extérieurs, épreuve cruciale pour les poètes qui, comme Pierre Jean Jouve, ayant vécu longtemps aux confins des forces de lumière et de ténèbre, avaient la prémonition certaine de la catastrophe extérieure dont le pire consiste peut-être à obstruer les accès et les issues de la vie souterraine de l'âme. Or, je ne sache pas de poète qui ait dénoncé avec plus de perspicace éloquence et de rigueur que Pierre Jean Jouve la tentation d'une complicité de la parole poétique avec la catastrophe sociale et spirituelle. Parce que, pour Jouve, la poésie "c'est la vie même du grand Eros, morte et par là survivante", elle ne saurait saisir l'événement comme un prétexte au blasphème et au sacrilège, pas plus qu'à des manifestations nécrophiles. Aussi le poète, prenant conscience du nihilisme contemporain pour le rejeter, a-t-il assumé puissamment le chagrin foncier de notre génération, ce chagrin qu'elle subit d'autant plus qu'elle le dissimule, mais que Jouve a su magnifier par ce sens unique de la Beauté qui lui est propre. »


(Réédition dans : Pierre Klossowski, Tableaux vivants - Essais critiques 1936-1983, Le Promeneur, 2001)
 
14 juillet 1960

François Mauriac

François Mauriac,  On n'est jamais sûr de rien avec la télévision, Chroniques 1959-1964, Édition établie par Jean Touzot avec la collaboration de Merryl Moneghetti, Bartillat, 2008, p. 144-155.
« Max-Pol Fouchet  commente, comme il sait le faire, les poèmes en prose de Pierre Jean Jouve. Il est vrai que Jouve n'a pas la place qui lui revient. Il faudrait à ce propos avoir le courage de s'interroger sur le "défense d'entrer" que Mallarmé a cloué sur la porte de la poésie française. Mais après tout, nous entrons librement chez Baudelaire, chez Rimbaud. Ni Claudel ni Valéry ne nous sont inaccessibles. Un grand poète comme Jouve, ne l'aurez-vous pas emmuré ? Et à quelles nourritures aurez-vous condamné ce peuple ? »François Mauriac - Télévision
 
1962

Jacques Lacan

Jacques Lacan, lettre du 26 novembre 1962, catalogue de la vente du 5 mars 2007

« Ces yeux deux fois posés avec une rigueur singulière ôtent tout sens aux questions d'esthète qu'on pose sur votre dette à la psychanalyse : vous avez sa clef tout simplement »


19 avril 1965

Alain Jouffroy

Vous avez tort


L'Express
Vous ne lisez pas la poésie. Vous ne la lisez jamais, à moins qu'elle ne soit signée Prévert, ou qu'elle ne soit présentée en Livre de poche, où elle atteint, avec Rimbaud, 300 000 d'entre vous. Mais le livre à 12 F, à 10 F ou à 9 F, vous ne l'achetez pas, vous ne l'ouvrez pas. Vous avez tort. Que le poète se nomme Pierre-Jean Jouve, Jean-Pierre Faye ou Denis Roche, la poésie vous colle au coeur, vous colle au ventre, vous colle au cerveau, plus fort que la plus collante des proses: la mienne, par exemple, ici. La poésie, c'est la voix dans votre voix, vos chuchotements, vos idées qui foutent le camp dans tous les sens, les mondes qui se succèdent, à une cadence de plus en plus saugrenue, sur votre rétine.

(Réédité par L'Express le 15 mai 2003)

1966

Nelly Kaplan

Belen
Le Réservoir des Sens
Préface de Philippe Soupault
Illustrations de André Masson
La jeune Parque
MCMLXVI
 [Le premier conte du recueil commence ainsi]

Prenez garde à la Panthère

« Tes yeux animaux me disent (velours rouge)
Ce qu'un génie n'ose pas même imaginer."

(Pierre-Jean Jouve)

J'habite avec lui, depuis toujours, dans la plus haute mansarde du palais ...

1971

André Pieyre de Mandiargues

André Pieyre de Mandiargues, Troisième Belvédère, chapitre « Le roman rayonnant », Gallimard, 1971.

« Et j'étonnerai peut-être quelques-uns en proclamant ici que le poète Jouve est, peut-être avant André Malraux, le premier romancier ou conteur que je choisirais si l'on me demandait une liste de mes préférences parmi ceux dont l'œuvre s'inscrit approximativement dans les vingt ans qui ont déparés les deux guerres ultimes (...) Avant [les romans de Malraux], pourtant, une œuvre narrative, qui nous paraît aujourd'hui plus moderne et mieux accordée avec l'idée que nous nous faisons de la "littérature", avait crû dans l'obscurité, celle de Pierre Jean Jouve »

 
1973

François Weyergans

François Weyergans, Le Pitre, Gallimard, 1973, p. 327
« A la même époque, il faut qu'on le sache, Eric Wein annonçait que le plus grand romancier vivant répondait au nom de Pierre Jean Jouve mais qu'il n'écrivait plus de romans depuis longtemps. Charlotte néanmoins les acheta à cause des titres : Hécate, Vagadu, Paulina 1880, et les lut en cachette pour ne pas qu'Eric s'enorgueillisse de constater qu'elle l'écoutait. » François Weyergans - Le Pitre 1973
 
1976

Gaëtan Picon

Gaétan Picon, Panorama de la nouvelle littérature française, nouvelle édition, Gallimard, 1976.

« Ces dernières années ont vu grandir, plus que tout autre, l'œuvre de Pierre Jean Jouve. Sans doute est-ce d'abord la conséquence de sa relation à l'événement historique, auquel elle a su donner les figures du rêve le plus profond. Dès le début, la poésie de Jouve a été dominée par le pressentiment de la catastrophe : nostalgie du « paradis perdu », elle est plus encore prophétie d'un incommensurable malheur. Elle était depuis toujours préparée à saisir dans l'histoire l'incarnation du combat éternel. Aussi un recueil comme La Vierge de Paris est-il l'un des plus beaux recueils de Jouve, et un poème comme « La Chute du ciel » offre l'alliance exemplaire de choses vues avec un réalisme saisissant (le passant « qui prend mesure de sa croix sur le trottoir ») et des figures entr'aperçues de la lutte spirituelle ».

Voir aussi

 par Alain Paire, "1949-1976 - Gaëtan Pïcon et Pierre Jean Jouve"


1981

Martine Broda

Jouve
L'Âge d'Homme,
Cistre Essais 11, 1981

« Tuer, être tué. Même sans meurtre, donner ou recevoir la mort. Un rappel en tout cas s'impose, celui des "couples d'opposés" dont Freud repère le fonctionnement solidaire. C'est la polarité activité/passivité qui l'organise : forme active ou passive d'une pulsion partielle, voix active ou passive d'un fantasme. Le désir de Jouve vacille, autour de donner/subir la mort. C'était clair dans HECATE, que dire de l'étrange définition, presque à double entente, qui est donnée du mythe d'Hélène ? Dans "l'union en un acte de l'éros passif et de la mort", qui est action, qui est passion ? Est-il actif, celui qui aime la morte, ou se laisse-t-il prendre par la mort ?  ». 

 
1996

Salah Stétié

Salah Stétié, entretien avec Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio, revue NU(e) N° 3, 1996.

« J'ai fait mieux que rencontrer Pierre Jean Jouve: je l'ai accompagné de ma présence, plus ou moins effective, sur près de trente ans. » «  Je connaissais l'œuvre de Jouve et j'étais un passionné de cette grande musique qu'on trouve dans ses principaux recueils : ''Matière Céleste'', ''Noces'', ''Sueur de sang'', etc. Je me récitais aussi comme un texte de poésie pure les premières pages de ''Paulina 1880'', à savoir la description de la "chambre bleue"...» « Jouve était impressionnant d'acuité et de pureté. On sentait avec force son appartenance au monde spirituel, sa participation intérieure à tout ce qui donne à la parole son poids de vérité et, aussi, sa puissante légèreté lyrique. »


2009

Dominique Noguez

Dominique Noguez, Duras, toujours, Actes Sud, septembre 2009, p.89-90.

« Je me disais que, même dans les passages de considérations historiques ou dans les passages descriptifs où ils laissent entendre leur musique et reconnaître leur manière particulière de dompter la langue, les grands écrivains dans leur plénitude n'empêche pas de voir, laissent apparaître le visible : Chateaubriand quand il décrit le coucher de soleil sur l'Acropole -- les teintes de rose qui colorent le mont Hymette ou les statues de Phidias ; Zola, quand il montre, autre aurore, dans Le Ventre de Paris, les carrés de fruits et légumes éclatant de couleurs sous le soleil ; Gide, dans Les Nourritures terrestres, quand il peint le désert, ou les palmeraies algériennes, ou les jardins de Rome ; ou Pierre Jean Jouve quand il décrit, avec quel brio, quelle ironie aussi, la chambre bleue au début de Paulina 1880.  »

Noguez - Duras toujours - Actes Sud-Couverture


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par Jean-Paul Louis-Lambert

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