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Notes éparses sur Pierre Jean Jouve 


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Jugements et témoignages sur Pierre Jean Jouve

(Deuxième Série)

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par Jean-Paul Louis-Lambert

Lecteurs de Jouve

Dans une première série, nous avons donné une première anthologie de jugements portés sur Pierre Jean Jouve par des lecteurs exceptionnels : Jean Amrouche, Balthus, Roger Bastide, Albert Béguin, Joë Bousquet, André Breton, Martine Broda, André Delons, Georges Duhamel, Paul Eluard, Ramon Fernandez, David Gascoyne, Charles de Gaulle, Robert Guiette, Bernard Groethuysen, Alain Jouffroy, Nelly Kaplan, Pierre Klossowki, Jacques Lacan, André Masson,  François Mauriac, René Micha, Dominique Noguez, Jean Paulhan et Dominique Aury, Gaétan Picon, André Pieyre de Mandiargues, Marcel Raymond, Romain Rolland, Jean Schlumberger, Jean Starobinski, Salah Stétié, Jean Wahl, François Weyergans.

Nous continuons avec une deuxième série : Jean Audard, Henri Bauchau, Yves Bonnefoy, Gabriel Bounoure, Jean Cassou, Jean Cayrol, René Char, Jean Clair, Georges-Emmanuel Clancier, Marc EigeldingerPierre Emmanuel, Daniel Halévy, Edmond Jaloux, Jean Le Louët, Daniel Leuwers, Pierre Leyris, Bernard Noël interrogé par Alain Veinstein, Jean José Marchand, Henri Martineau, Anais Nin, Hubert Nyssen, Louis ParrotHenri de Régnier, Boris de Schloezer, Philippe Soupault, Albert Thibaudet, Giuseppe Ungaretti

Consultez notre

 première Série

Consultez aussi

 les Juvenilia, textes recueillis par Mikaël Lugan


1925

Edmond Jaloux

Extrait de la chronique « L’esprit des livres », d’Edmond Jaloux dans Les Nouvelles littéraires du 26 décembre 1925

Jaloux y traitait aussi de Raboliot de Maurice Genevoix (prix Goncourt 1925) et d’Amours mortes, belles amours, d’Edmond Pilon

Je citais tout à l’heure M. Pierre Jean Jouve et sa Paulina 1880 et je m’étonnais que ce livre n’eût pas le Goncourt. Et je m’en étonnai d’abord parce que Paulina 1880 fait penser par mille points aux Goncourt eux-mêmes : non qu’il y ait la moindre influence ou ressemblance de style, M. Jouve est pleinement original. Mais si les Goncourt eussent vécu en 1925, leur esprit se fût sans doute manifesté dans une œuvre analogue à Paulina 1880. Et on ne peut lire ce livre-ci sans penser à une Madame Gervaisais plus profonde, et où le noyau de l’être religieux serait mieux investi ; car il est quand même curieux, comme l’ont fait les Goncourt, de consacrer une monographie complète à l’étude du sentiment que l’on comprend le moins soi-même.

Remerciements à Guillaume Louet


1926

Henri de Régnier

Le Figaro
Mardi 12 janvier 1926

La Vie Littéraire

Paulina 1880

par Pierre Jean Jouve (Editions de la Nouvelle Revue Française)


« (...) J'aurais mauvaise grâce à ne point accéder à ce premier dénouement du roman de M. Pierre-Jean Jouve puisque dans mon roman La Pécheresse, j'ai usé d'un ressort psychologique assez analogue, mais si, dans La Pécheresse, Mme de Séguiran meurt de la mort de M. de La Péjaudie, la Paulina de M. Jouve survit longtemps au crime d'amour qu'elle a commis pour la défense de son âme. Après la condamnation qui l'a punie de dix années de dure prison, la voici vieillie, méconnaissable, vivant pauvrement du travail de ses mains dans un village de Toscane. Elle porte l'habit des paysannes et, silencieusement, obscurément, elle attend son heure, l'heure où elle comparaîtra devant Dieu où elle sera jugée "comme tout le monde". Paulina n'a plus l'ivresse, ni l'orgueil, ni le remords, ni la honte de son péché. Elle a tout accepté. Ainsi s'achève sur cette humble attitude le très intérssant roman de M. Jouve. Il est d'une composition ingénieuse et d'une remarquable qualité littéraire.  » 


Remerciements à Patrick Besnier


1927

Daniel Halévy

Préface à
Ecrits
par André Chamson, André Malraux, Jean Grenier, Henri Petit, suivi de Trois Poèmes par P.-J. Jouve
Librairie Grasset, Les Cahiers Verts, publiés sous la direction de Daniel Halévy, 1927

« (...) Ce Cahier contient enfin des poèmes dont la présence répond encore à un de nos regrets. Nous n'avons rien fait pour les jeunes poètes. Notre temps est pour eux impitoyable, il les ignore ; et nous avons bien été de notre temps, nous les avons ignorés. Pout atténuer ce manquement nous avons demandé des poèmes à M. Pierre-Jean Jouve, qui nous en a donné trois. Nous l'en remercions, heureux d'écrire son nom parmi nos collaborateurs. De tous les romans parus, depuis cinq ans, il n'en est pas que nous nous ayons davantage envié pour elle que sa Paulina 1880. »



1932

Jean Audard

Vagadu

Présence - 1932 - No 3

in Présence, Lausanne, N° 3, Année 1932

« "La lecture de mon ouvrage requiert sans doute une inclination toute nouvelle de l'esprit", écrivait Jouve dans l'admirable "Commentaire à Vagadu" que publiait la Nouvelle Revue française du 1er décembre 1931. Ce livre est en effet l'expression d'un point de vue si unique, que le lecteur habitué aux exercices littéraires ne retrouvera même plus ici le fil qui lui permettait encore de suivre, en tâtonnant, Le Monde désert ou Hécate. Le personnage social de Catherine Crachat y fait place à un autre personnage dont il n'était que le pâle double : l'inconscient de Catherine Crachat.
(...)
Il y a en effet deux façons de parler de l'inconscient, dont une façon objective, qui est celle de Proust, de Dostoïevsky, de Lawrence. Ce n'est pas de cette façon que procède Jouve. Vagadu n'a rien du roman psychologique. Il est beaucoup plus près de certaines formes du roman fantastique, de Jouhandeau, par exemple : ce n'est pas un roman sur l'inconscient, c'est l'inconscient même en acte.
(...)  »

Jean Audard, philosophe, ami d'André Delons, membre du Grand Jeu. Auteur en septembre 1933 d'un important article : « Le caractère matérialiste de la psychanalyse » (Cahiers du Sud).


1934-1939

Anais Nin

The Diary of Anais Nin, Vol. 2: 1934-1939
Anais Nin - Journal II - 1934-1939-Couverture
Edited with a preface by Gunther Stuhlmann
(A Harvest Book - The Swallow Press and harcourt Brace & Company, San Diego, New York London) — p. 126-127


« I fell in love with the poetic novels of Pierre-Jean Jouve. They sustain one in a trance of poetic living, Paulina, Le Monde désert, Vagadu, la Scène Capitale. I could not stop reading him all througb a him all a busy day, in the subway, in the café on my way to Villa Seuat, while my hair was being washed. Paulina opens with this quotation from Saint Teresa: "L'amour est dur et inflexible comme l'enfer."  »

« His poetic-psycbological novels are masterpieces. Analytical insight wrapped in poetry is far more potent than bare analysis. The drug of poetry makes truth and lucidity more absorbent. The intellect cannot resist its invasion. Language becomes the magic potion. Rhythm becomes the instrument of contagion, and the fluidity of the images flows directly into the subconscious without interference. Pierre-Jean Jouve has described a world in which visions, hallucinations, symbolism, usually relegated to our night life, operate in full daylight, and in unison with the body, fusing desire and fantasy, dream and action, reverîe and passion.  »


► voir aussi notre note : Anaïs Nin, lectrice de Pierre Jean Jouve  


1945

Louis Parrot

L'Intelligence en Guerre

Louis Parrot - L'Intelligence en guerre - 1945
Chapitre "Pierre Jean Jouve ou le Témoin", pp. 309-318.

La Jeune Parque, Paris,
achevé d'imprimer 28 décembre 1945

« Cette couleur ardente, [Jouve] devait l'employer plus fréquemment qu'à l'époque de son Paradis Perdu, dans Sueur de Sang, dont la préface provoqua tant de controverses ; mots déchirés qui s'assemblent en des images dont il n'est besoin d'aucun commentaires pour distinguer le douloureux rayonnement. Ces mêmes mots, nous devions les retrouver plus ardents encore tous au long de Témoins, ce grand livre qui reprend, depuis 1930, ses poèmes les plus caractéristiques, tous ceux dans lesquels notre époque d'ignominie et d'espérance se trouve le plus fidèlement reflétée.
[...]

En 1939, alors [que Jouve] me parlait avec le plus vif intérêt d'un jeune poète qu'il venait de découvrir et qui s'appelait Pierre Emmanuel, il dressait déjà le bilan de toutes les misères du temps. Il avait noté qu'une catastrophe sans précédent menaçait la civilisation, la bête de l'Apocalypse s'était à nouveau levée sur les nations... "La catastrophe la pire de la civilisation était possible, parce qu'elle se tenait dans l'homme, mystérieuse, agissante... enfin, d'autant plus menasçante que l'homme sait qu'elle répond à une pulsion de la mort déposée en lui. Et le poète, disait-il, est contre cette catastrophe : il n'y a par le cadavre, ni révolution, ni action". Le poète est du parti de la lumière. » Louis Parrot - L'Intelligence en guerre - 1990


Réédité par Le Castor astral, avec une préface de Jean Rousselot, 1990.


1946

Marc Eigeldinger

Pierre Jean Jouve
Poète et Romancier
Starobinski et Eigeldinger - Jouve Poete et Romancier - 1946
par Jean Starobinski, Paul Alexandre, Marc Eigeldinger

A La Baconnière, Neuchâtel, 1946


Formule spirituelle de la poésie

« A Seigneur ! donnez-moi la force et le courage

De contempler mon coeur et mon corps sans dégoût. »

« Ces deux vers de Baudelaire pourraient servir d'épigraphe à la poésie de Pierre Jean Jouve qui un des premiers eut la force et le courage de contempler son corps sans dégoût, de se pencher sur le mystère tragique de la faute et de la chair. Dans le sens Rimbaud s'est fait voyant

De contempler mon coeur et mon corps sans dégoût, Jouve s'est fait le témoin attentif du péché, "le voyeur des chairs bouleversantes". Toute son oeuvre poétique est centrée sur la connaissance des origines de l'homme et sur l'analyse des rapports secrets qu'entretiennent l'âme et le corps. De même que Pascal, Jouve considère que l'homme n'est ni ange, ni bête, mais qu'il est un mélange complexe de l'un et de l'autre, qu'il participe de l'état angélique par la vision intérieure de l'âme et qu'il se rapproche de la bête par l'instinct charnel, par le désir érotique.
[...]

Le poète se doit de sonder les profondeurs de la faute et de regarder en face, sans répugnance, les ravages universels de l'érotisme, car le dénuement spirituel implique la connassance antérieures du péché. L'âme ne gravira les échelons mystiques qu'après avoir éprouvé la densité charnelle du mal, qu'après avoir plongé dans les artères de vie abreuvée de sang coupable. »



1947

Pierre Emmanuel (de l'Académie française)

Qui est cet homme
ou le singulier universel

Pierre Emmanuel - Qui est cet Homme - 1947

LUF, Egloff, Paris

Achevé d'imprimer 15 décembre 1947

Chapitre V, pp. 145-147

« Un jour que je furetais chez mon libraire, je fis tomber un livre du rayon. C'était Sueur de Sang, de Pierre Jean Jouve. Des poèmes : le nom de l'auteur ne m'était pas inconnu, mais ne représentait rien pour moi. Au moment de replacer le livre, machinalement je le feuilletai. Il était beau, aéré comme un temple. A chaque page présidait la volonté d'un architecte : une invisible totalité, tissée de comple'xes accords entre les blancs et les noirs, le vide et le plein, la lumière et els ombres, imposait la présence du poème, bien avant que l'esprit en eût pénétré le dessein spirituel.

Mallarmé, hanté par la page blanche, veut emprisonner l'indicible dans un filet dont les mots sont les noeuds [...].

La page de Jouve, au contraire, apparaît monumentale, elle s'édifie d'un élan continu : ses ruptures (car elle en a), sont des intervalles de silence, où se composent les proportions [...]. En feulletant Sueur de Sang, je pressentis que les canons typographiques, rétablis par Jouve et renovés, n'étaeint plus que la figure matérielle de canons plus intérieurs, de lois symboliques profondes hiérarchisant, allégeant de la base au sommet l'édifice du psychisme humain.|...]

De quelle longue maturation cette forme rendue sensible est la fin ; quel ordre spirituel elle suppose, quel méthodique dépouillement dans le choix et le rapport des symboles;  plus peut-être, quel sens plastique du vrai, quelle exigence de dignité dans le geste de l'écriture au même titre que dans le comportement moral : ceux-là seuls peuvent le comprendre pour qui l'art est une religion. » 


► Voir aussi : de Pierre Emmanuel, Pierre Jean Jouve ou la Poésie à plusieurs hauteurs, Revue Fontaine, octobre 1945

1949

René Char
Lettre du 17 novembre 1949

« Je m'émeus et je m'enchante de l'emprise des poèmes de "Diadème". Vous parvenez à une végétation murmuré miraculeuse, la poésie vous devra des sommets égaux à ceux de Hölderlin et de Rimbaud (…) »


Publiée par le Cahier de L'Herne "Jouve" (1972) ; fac-simile dans la Revue L'Autre,  Numéro hors-série "Jouve", juin 1992.



1950

Jean Cayrol

Lazare parmi nous

Les Rêves lazaréens

Jean Cayrol - 1950 - Lazare parmi nous

Collection des Cahiers du Rhônes, La Baconnière et Editions du Seuil,  1950,
p.  39-40

Les Rêves concentrationnaires


« Dès que le cellulaire arrivait au camp de concentration, malgré les hantises diverses de sa lutte journalière, il savait goûter à tous les bénéfices de la nuit (...)

Les rêves paysages étaient les plus fréquents ; c'étaient surtout d'immenses panoramas avec des lointains à l'infini.

Je ne peux que me souvenir de l'admirable phrase de Pierre-Jean Jouve : "Au loin, sont pourtant les montagnes bleues comme des hymnes de douceur." Toute notre candeur venait se réfugier parmi ces horizons figés, aux lignes horizontales, un vrai paysage "d'innocence humaine" ; déjà les visages de notre famille s'estompaient, on les perdait de vue.  »



1954

Jean José Marchand

Pierre Jean Jouve,
En Miroir
(Mercure de France)

Le Rassemblement,
27 mai 1954

En miroir, le journal sans date de Pierre Jean Jouve, est un texte magnifique ; je ne vois guère que Leiris qui atteint quelquefois à cette poésie noire et dense, qui évoque immédiatement Baudelaire. Évitant l’attitude parfois nécessaire du vates, qu’on trouve chez ce dernier comme chez tous les romantiques, Jouve sait cependant garder ses distances. Qu’il raconte sa jeunesse, son évolution littéraire et politique (qui l’a mené à une absolue fidélité à l’homme du 18 juin), ou des histoires misérables et tragiques comme nous en avons tous dans notre vie, il évite l’accessoire pour s’élever toujours à la méditation de l’essentiel. Depuis ce grand livre qu’était Vagadu – si mal compris et si mal accueilli par une critique surprise et gênée –, Jouve semble avoir trouvé une espèce de paix rayonnante.



Remerciements à Guillaume Louet

► Voir aussi notre page sur les Écrits critiques de Jean José Marchand


1958

Henri Martineau

Pierre-Jean JOUVE:
Tombeau de Baudelaire.
Aux Éditions du Seuil.


Le Divan n° 306,
avril-juin 1958


Voilà un beau livre de poète. Le ton qui est le sien, pour parler poésie et peinture, les critiques littéraires et les critiques d'art y atteignent rarement. C'est qu'une lumière, source de transparence et source de rayonnement, illumine partout ces pages inspirées. Les poèmes phares de Baudelaire, les vers magiques qui font partout éclater l'armature des Fleurs du Mal, comme les gouttes de sang brisent l'écorce de la grenade, l'intuition d'un poète nous en présente la signification profonde. De même, le Combat avec l'Ange de Delacroix, le Petit-Pont de Meryon, la Femme à la Vague de Courbet nous sont présentés comme des symboles et suffisent à donner la clé de ces trois artistes. Visions synthétiques et rapides, mais dont l'œuvre entière est illuminée.

H. M.



Remerciements à Guillaume Louet

1962 (2005)

Henry Bauchau

La grande muraille
Journal de La Déchirure (1960-1965)

Actes Sud - Babel (2005),
p. 208

« Relu ces jours-ci Hécate de Jouve avec une très grande admiration. L'élan du texte, la variété du récit, la typification des personnages, le mélange de clarté et de mystère et peut-être la merveilleuse liberté du style me transportent. Il y a, malgré la présence constante de la douleur, quelque chose qui ne cesse de vous axalter, de vous rajeunir comme un air vif et qui est peut-être le soulèvement de la matière par le sexe volié de beauté. »



1964

Jean Clair (de l'Académie française)

L'Image du temps dans les romans de Pierre Jean Jouve

Cahiers du Sud

Tome LVIII, N° 378-379 (Juillet-Octobre 1964)

« Je me souviens pourtant de mon émotion à la première lecture d'un roman de Jouve. Il s'agissait de L'Aventure de Catherine Crachat, acheté alors pour l'étrangeté de son titre et la modicité de son prix en un temps où plus personne ne semblait connaître Jouve. Pour moi qui le découvrais, j'ai du mal aujourd'hui encore à préciser mon sentiment ; sentiment confus qu'une profondeur essentielle avait été atteinte, ou plutôt m'avait été rendue. Cette passion de Catherine, cette violence à aimer et à détruire, l'abandon soudain aux désirs les plus bas et l'élan toujours repris de pureté, ne les avions-nous pas de toujours éprouvés, depuis la très ancienne enfance, comme un état familier, quoique inexpliquée, de l'âme ? »



Giuseppe Ungaretti

Sous le signe de Niobé

(traduction de Philippe Jaccottet)


NRF, 1er mars 1968
Dossier Pierre Jean Jouve
La grandeur de Pierre Jean Jouve est dans cette longue passion de témoigner, par le roman et le poème, d'une obscurité qui n'est jamais des mots, mais de l'être, de la vie. Les mots ne peuvent nous paraître obscurs — mais en réalité nous illuminer — que s'ils s'enfoncentdans le secret de l'être et de la vie dont ils donnent, parvenus à ce que nous nommons poésie, un reflet mythique.

Autres contributeurs à ce numéro de la Nouvelle Revue Française : Jean Starobinski, Jean Cassou, Henry Amer, René Micha, André Marissel, Dominique Noguez.


1972

Yves Bonnefoy

Cahier de l'Herne (1972)
Yves Bonnefoy - Le Nuage rouge
Repris dans Le Nuage rouge (Mercure de France, 1977)
« Pierre Jean Jouve est un des grands poètes de notre langue. Et cela parce que, le premier ou presque après Baudelaire et Rimbaud — et bien que créateur autant ou plus que quiconque de formes, de métaphores —, il a su, il a dû, parler, dans une société d'esprits trop subtils que l'art, les prestiges de l'oeuvre élaborée, prise comme fin — l'éternel mallaméisme — intimident. »


1981

Jean Cassou

Une vie pour la liberté

Jean- Cassou - Une vie pour la liberte - Couverture
Collection "vécue", Robert Laffont, 1981, pp. 83-84.
« On voyait [Rilke] en compagnie de celle qui fut sa dernière amie, Baladine Klossoxska, nommée Merline dans la publication qu'on a faite de leur correspondance. Baladine a été, pour Ida et moi, une bien chère amie. Elle habitait, rue Malebranche, un appartement pourvu d'un vaste atelier, avec ses deux garçons, Pierre Klossowski [...] et Balthus [...]. Nous avons connu dans cet atelier de prestigieuses soirées, toutes chargées d'une cosmopolite électricité, où se coudoyaient des Allemandes, de charmantes et mystérieuses Autrichiennes, des Espagnols et Rilke bien sûr, et Groethuysen, et Du Bos, et Pierre Jean Jouve. Mais ce dernier évitait les rassemblements où il risquait de rencontrer des gens inconnus ou déplaisants.

[...]

Dans cette Nekuia je viens de nommer Pierre Jean Jouve. Lui et sa femme, Blanche Reverchon, psychanalyste notoire, furent pour Ida et moi des amis constants. Ce qui est assez notable, car ce profond et mystérieux poète, très à cheval sur sa solitude, sur la figure qu'il voulait se faire et qu'il voulait que l'on se fit de lui-même, sur la musique qu'il aimait, celle-là seule qu'il a commentée dans des écrits fort savants et de la plus haute noblesse de pensée, ce Jouve singulier et jaloux de sa singularité, se brouillait avec tout le monde. Jusqu'à ses meilleurs amis. »


Remerciements
à Dominique Charnay


2009

Hubert Nyssen

Carnets

Mercredi, 17 juin 2009

Dans l'après-midi, j'ai repris et rouvert Paulina 1880 de Pierre Jean Jouve. C'était aujourd'hui pour préparer une présentation de ce roman au public avant que Maud Rayer en fît ce soir la lecture au cloître. Pierre Jean Jouve écrivit Paulina 1880 l'année de ma naissance, et c'est pendant la guerre qu'un vieux maître alors très jeune me fit découvrir l'érotisme qui sourdait du texte par la conjonction de la foi, du désir, du péché et de la mort, entre Dieu et Démon, entre le vouloir et le subir. En ce temps-là, j'ai souligné une phrase que plus jamais je n'ai perdue de vue : “Depuis mon enfance j'ai peur de moi parce que je suis double.”

2017

Bernard Noël interrogé par Alain Veinstein

Bernard Noël, du jour au lendemain, Entretiens avec Alain Veinstein,
Éditions de l’Amourier/Ina, 2017, p. 123.

Alain Veinstein : Un autre livre que vous voulez citer ce soir et qui, je dois le dire, n'est jamais cité par mes invités, c'est pourtant un très grand livre de la poésie française, Sueur de sang de Pierre Jean Jouve.

Bernard Noël : Oui, Jouve est un des auteurs les plus présents dans ma biblio­thèque. C'est à la fois quelqu'un que je peux lire et relire, mais Sueur de sang — que je dois lire plusieurs fois par an — est un livre que je ne connais pas, au fond. Je veux dire que l'effet bouleversant reste entier, bouleversant au sens strict, parce que la langue de cette suite de poèmes a un côté à la fois acide, râpeux et pénétrant qui reste entier et que chaque lecture renou­velle. En outre, il y a une préface qui est un des grands manifestes — beaucoup plus important, à mes yeux, que le manifeste du surréalisme — qui, en apparence, est l'introduction de la psycha­nalyse dans la poésie et qui en réalité est l'ouverture à cette espèce de rumeur, à la fois de sang, de langage, d'oubli, tout cela produisant un gigantesque frottement de matière et de langue à travers ces poèmes qui sont religieux, érotiques, sensuels, intellectuels, aussi contradictoirement que fortement.


Sur le site de l’éditeur :
http://www.amourier.com/663-bernard-noel-du-jour-au-lendemain.php 
Remerciements  à Florence Trocmé
Jouve - Logo Lecture par Serge Popoff Sauf indication contraire (voir les remerciements), ces notes éparses ont été recueillies
par Jean-Paul Louis-Lambert

Remerciements : Dominique Charnay, Patrick Besnier, Guillaume Louet, Florence Trocmé
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