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Jouve - Portrait par Serge Popoff

Pierre Jean Jouve
et
le cinéma

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Adapter Hécate au cinéma par Pierre Beuchot

Lien avec la page Pierre Beuchot de Wikipédia

Aventure de Catherine C

Pierre Beuchot - Aventure de Catherine C

31 mai 2013

La réaction de Michèle Venard,

artiste dramatique, metteur en scène de théâtre


Après la projection de
Aventure de Catherine C

à la Cinémathèque  dans le cadre d'un hommage à
Willy Kurant,
directeur de la photographie
(22 et 31 mai 2013)

J'allais voir le diptyque de Pierre Jean Jouve Hécate et Vagadu adapté pour le cinéma (1989), et j'ai trouvé un film somptueux. Un film raffiné, parfait au plan esthétique par le choix de ses décors,- de Paris à Vienne-, et de ses costumes, par le choix de ses musiques — Portal ou Mozart — -qui « jouent ensemble ».

J'allais voir une immense actrice, Fanny Ardant, —  héroïne de théâtre que je suis depuis sa Princesse dans Tête d'Or — et qui au moment du tournage, actrice de cinéma magnifique, jouait ou allait jouer Pirandello — et j'ai trouvé un réalisateur qui a su, lui aussi, magnifier sa beauté et l'intensité dramatique de son jeu.

Pierre Beuchot a confié à Robin Renucci, antérieurement Claudius dans un Hamlet monté par Chéreau en Avignon et exceptionnel Don Camille dans Le Soulier de satin présenté par Antoine Vitez, le personnage de Pierre Indemini que j'associe pour ma part à des moments de la figure d'Enée conduit au cœur de la nuit à la caverne des Enfers alors que hurlent les chiens d'Hécate, Pierre Indemini,  le peintre soit celui qui est hors du tableau.

Indemini, presque indéfini, mathématicien peut-être, et selon la conjugaison passive de la finale de son nom, comme observé déjà par des commentateurs de Jouve, figure de la passivité, est placé face à deux femmes dont le visage est dédoublé et le corps offert et qui le tueront à elles deux : la star de cinéma — l'étoile-, et la lune, astres qui brillent l'un et l'autre dans l'obscurité. L'une comme l'autre sont Hécate, déesse de l'ombre lunaire, des nuits mystérieuses pendant lesquelles la lune se cache, déesse des carrefours hantés par des pouvoirs hostiles, associée à la magie, à l'enchantement et aux actes obscurs, Hécate que Kleist nomme "déesse des marécages qui jette dans l'inconscient des lueurs troubles".

Ainsi, cadrée dans l'espace de l'image engagée par les mouvements de caméra, la magie jouvienne, son mystère et son envoûtement opèrent quand sur l'écran, l'espace visible entre en scène, se double d'un invisible, et plonge le spectateur dans un rêve de voyage dans l'espace et dans le temps.

La mémoire décomposée du personnage de Catherine Crachat au nom impur et violent, tire et démêle peu à peu les fils de son analyse suivie en cela par le personnage du psychiatre, et livre son récit d'une histoire passionnelle qui la laisse au finale dans une atroce solitude.

Pour incarner les personnages de femmes, le réalisateur a su choisir deux actrices capables d'emmener très loin leurs incarnations. Pour Catherine, Fanny Ardant passionnée et vibrante, d'une beauté et d'une élégance à couper le souffle, et pour l'impure, presque indécente Félicitas Fanny Hohenstein, l'actrice allemande Hanna Schygulla dont le léger accent caressant donne à l'incarnation du personnage sa musique particulière. Elles réussissent toutes deux d'une manière éblouissante à faire entendre la musique de la voix et du corps, les dissonances entre " les rayons noirs " et "le soleil des mots" dont parle Jouve.

L'une, sauvage, déchirée, passant de l'âpreté la plus forte à l'abandon le plus subtil par un rythme de paroles précipité et chaud pour la quête passionnée d'un amour exceptionnel, l'autre, ondoyant dans l'ondulation mélodique quasiment grégorienne, vénéneuse et enveloppante, tissant les fils arachnéens de son avidité érotique.

Alors que les acteurs au théâtre, aujourd'hui, soumis au laxisme vériste, parlent si médiocrement dans le son et dans le sens et que le corps d'où tout part n'est que guenille vide, c'est sur l'écran de cinéma que les actrices filmées par Pierre Beuchot — par ailleurs grandes comédiennes de théâtre — donnent littéralement vie à Catherine C et à Fanny Félicitas. Elle et lui donnent vie  au souffle, au timbre, à l'harmonique, au phrasé, à la rhétorique profonde de la poétique de Jouve.

J'ai vu ce film il y a plusieurs jours déjà, et par sa grâce, l'esprit de l'écrivain continue à venir me séduire.




Fiche technique


Fiche technique de Aventure de Catherine C d'après la page Wikipédia et l'Internet Movie Database
Scénario de Pierre Beuchot, Jean-Pierre Kremer et Catherine Breillat, d’après les romans Hécate (1928) et Vagadu (1931), regroupé en 1947 sous le titre Aventure de Catherine Crachat, de Pierre Jean Jouve.

Musique de Michel Portal

Directeur de la photographie : Willy Kurant

Ingénieur du son : Bernard Bats

Décors : Claude Lenoir

Monteuse : Françoise Collin

Tournage en France (Paris et Île de France) et à Vienne (Autriche) en juin 1989.

Producteurs délégués : Chantal Perrin, Antoine Gannage

Sociétés de production : Baccara Productions (France), Palmyre Productions (France), Roaring Productions (Italie)

Société de distribution : Pari-Films

Format : couleur – son stéréophonique – 35 mm

Durée : 100 min

Sortie le 29 août 1990 en France France

Pierre Beuchot et Fanny Ardant - Photo de tournage

Pierre Beuchot et Fanny Ardant
Photo pendant le tournage
Pierre Beuchot
et Hanna Schygulla
Photo pendant le tournage
Pierre Beuchot et Hanna Schygulla - Photo de tournage


Distribution
Distribution d'après l'Internet Movie Database
Fanny Ardant Catherine Crachat Catherine C - F Ardant - H Schygulla

Fanny Ardant  et Hanna Schygulla
Hanna Schygulla Fanny Hohenstein
Robin Renucci Pierre Indemini
André Wilms André Leuwen
Michael Greiling Otto
Christophe Neidhardt Guido
Marilu Marini Marguerite
Marianne Denicourt Flore
Emmanuelle Cuau Céline
Geneviève Omini La Servandoni
Patty Patrick Coogan
Ronald Mills L'Américain
Christian Erickson L'Anglais
Pippi Greiszer
Jerzy Piwowarczyk
Hélène Robin


Devant une oeuvre de Pierre Jean Jouve...

Devant une oeuvre de Pierre Jean Jouve...

Devant une oeuvre de Pierre Jean Jouve, l'identification aux personnages et l'implication du lecteur sont si fortes qu'elles l'engagent irrésistiblement dans une investigation personnelle. Nous sommes entraînés dans une histoire qui met à nu fêlures et blessures, qui résonne et agit en nous. Ouverture vers certains secrets dont nous pressentons qu'ils sont aussi les nôtres ...

L'oeuvre romanesque de Jouve forme un tout. Ne la définissait-il pas comme son "roman" ! Après l'avolr abordé avec l'adaptation du MONDE DESERT, j'ai voulu explorer plus avant ce "roman". HECATE est devenu AVENTURE DE CATHERINE C, un voyage dans l'espace et dans le temps.

Derrière une histoire sentimentale et scandaleuse, nous nous enfonçons dans le monde caché de la douleur et du conflit intérieur ...

Derrière Catherine C, sur ses pas, nous suivons la quête d'une femme - par ailleurs actrice de cinéma - à la recherche d'elle-même ...

Derrière les péripéties et les apparences, nous découvrons peu à peu la profondeur d'une aventure spirituelle ...

Pressentie dès l'origine de ce projet, Fanny Ardant sera Catherine C. Pour lui faire face dans le rôle de Fanny, j'aimerais convaincre Hanna Schygulla.

Pierre BEUCHOT


Fanny Ardant et Robin Renucci Fanny Ardant
et Robin Renucci


S'emparer d'un texte de Jouve...
S'emparer d'un texte de Jouve...

S'emparer d'un texte de Jouve, l'adapter, donner « réalité » à ses personnages, à ses décors, pour les filmer, s'apparente à l'attitude qu'il avait lui-même devant les oeuvres qu'il aimait commenter (de Baudelaire à Alban Berg) : dépenser l'énergie affective qu'elles suscitent en nous, en même temps tenter d'atteindre en elles à certains secrets dont nous pressentons qu'ils nous concernent. Car, disait-il, « un personnage n'est jamais qu'un morceau intime de nous-même, et toute oeuvre, quelle qu'elle soit, est une confession qui subit une métamorphose. »

Les histoires dans lesquelles Jouve nous entraîne pénètrent dans les fêlures de chacun, agissent en nous. L'identification à ses personnages est si forte qu'elle engage irrésistiblement dans une investigation personnelle. Transporté hors du temps, hors de la réalité, on peut alors cèder au charme troublant de s'avancer masqué derrière ses créatures .

Dans AVENTURE DE CATHERINE C, l'homme se trouve dans la même solitude, et pleure. Il pleure sur amour désormais sans objet, sur l'incompréhensible absence qu'il va connaître. Sa consolation viendra du souvenir. Et des récits qu'il fera, n'en doutons pas, de cette aventure qu'il a frôlée, s'il ne l'a pas rêvée ...

Pas plus que LE TEMPS DETRUIT n'avait de projet – au sens où il y aurait eu intention claire à sa réalisation – , AVENTURE DE CATHERINE C ne fixe de but. Etre mystérieux, irréductible – même s'il est facile de repérer en lui révolte, tourments, goût de l'absolu – Catherine ne livre des secrets que pour nous laisser devant une énigme plus grande encore. L'enchaînement de ses aventures et de ses récits nous révèlera bien l'apparence de sa nature. Mais ce secret que Pierre Indemini a crun avoir perçu, nous restera inconnu. Tout au plus pouvons-nous accompagner un personnage qui aurait, un jour, décidé de « rebrousser chemin pour avancer vers le jour ».

Pierre BEUCHOT


Fanny Ardant
et Hanna Schygulla
Catherine Crachat - Fanny Ardant et Hanna Schygulla


Un romancier de l'inconscient

Un romancier de l'inconscient

Notre travail en commun sur LE MONDE DÉSERT nous a rendu familier l'univers de Jouve. Avec AVENTURE DE CATHERINE CRACHAT nous sommes devant une œuvre plus complexe encore, complexitéaccentuée par notre intention de la transposer. Et davantage peut-être que dans ses autres œuvres de fiction, AVENTURE DE CATHERINE CRACHAT caractérise l'audace et la singularité de Jouve.

Cette originalité garde à son œuvre un ton extraordinairement moderne : refus de la psychologie, du social, du réalisme même. Des récits conduits avec une « orageuse précipitation » (Jean Starobinski). Des héroïnes, « natures privilégiées », chez lesquelles le plus haut rejoint instantanément le plus bas, le mouvement spirituel succédant à la passion. Jouve, négligeant leur comportement, plonge dans le cœur de ses personnages pour révéler le puissant mécanisme souterrain de leurs pulsions.

Jouve, romancier de l'inconscient.

Les histoires dans lesquelles il nous entraîne, intemporelles, pénètrent et s'incrustent dans les fêlures de chacun, agissent en nous. Ouverture vers certains secrets dont; nous pressentons qu'ils nous concernent. L'identification aux personnages, l'implication du lecteur (et c'était aussi vrai du spectateur du MONDE DESERT - film) sont si fortes devant une œuvre de Jouve, qu'elles l'engagent irrésistiblement dans une investigation personnelle, sur les traces de « la Chose qui se trouve derrière ».

Jouve connaissait Freud, il l'a même traduit. Sans être psychanalyste, il a eu l'intuition des voies ouvertes, et c'est en poète qu'il s'est aventuré dans l'exploration de « la pauvre, la belle puissance érotique humaine ». Et, plus que le père de la psychanalyse, c'est à l'éros féminin qu'il s'est attaché. Son œuvre est presque exclusivement consacrée à des figures féminines.

AVENTURE DE CATHERINE CRACHAT est l'aboutissement de cette attirance et de cette tendresse qu'il avait pour l'univers des femmes : dans leur duel, Catherine et Fanny – « un couple d'opposés » – vont aux extrêmes du désir féminin et de ses aberrations : dans la sublimation, pour Catherine la névrosée, dans la mort, pour Fanny la perverse.

Pourquoi Jouve de nouveau ?

LE MONDE DÉSERT, construit autour d'une intrigue amoureuse, gardait l'allure et le charme du romanesque. AVENTURE DE CATHERINE CRACHAT, sous l'apparence d'une histoire sentimentale et scandaleuse, s'enfonce plus profondément dans le monde de la douleur et du conflit intérieur. Cette quête déchirante d'une femme – par ailleurs actrice de cinéma – prend peu à peu la forme d'une aventure spirituelle et même mystique.

Un tel itinéraire, dans le monde d'aujourd'hui, n'est pas invraisemblable. Quelques conversations avec Fanny Ardant en témoignent. Car, lorsque nous avons envisagé l'actrice capable d'incarner Catherine, nous avons immédiatement songé à elle. Tout concourait en effet à la ressemblance, le physique, la personnalité, la réputation. Dès la naissance de notre projet, elle a donc été pressentie. La rencontre du roman, de son personnage et de cette comédienne était pour nous la preuve de l'opportunité de notre entreprise, qu'elle se révélait possible. En même temps, se renforçait notre idée de transposer l'œuvre de Jouve aujourd'hui.

Comment transposer

AVENTURE DE CATHERINE CRACHAT est une œuvre double : c'est une histoire narrée d'abord au grand jour - Hécate -, dont ce qui est dissimulé apparaît ensuite sous une forme onirique et fantasmatique dans Vagadu. Fortement contrastés, les deux romans peuvent être considérés, l'un comme un voyage dans l'espace, l'autre un voyage dans le temps. Dans notre adaptation, nous envisageons de fondre certains éléments de Vagadu dans Hécate mais de préserver la rupture brutale des deux livres.

Il y aurait ainsi, d'abord une succession d'évènements rapides, mouvementés, tragiques. Catherine objet, Catherine image, se définissant à travers ses rôles et ses rencontres. Ensuite, devenant sujet, elle s'exprimerait par la parole, se livrant à nous non plus dans ses actes, mais par l'aveu ou la confession. Le statisme de cette dernière situation nous amènera à réduire considérablement Vagadu pour rechercher une forme synthétique qui en exprime l'essentiel.

Paris et Vienne

Paris et Vienne sont les deux pôles géographiques et symboliques de l'AVENTURE DE CATHERINE CRACHAT. Paris, ville grouillante mais aussi de vie solitaire dans des appartements confinés, n'a que peu changé et pourra conserver sa fonction. En revanche, Vienne a perdu de son pouvoir symbolique. Que reste-il aujourd'hui de ce théâtre des « épopées sensuelles de l'Europe centrale » dont parlait Jouve en 1928 ? Pourtant, la ville de Schnitzler, de Berg, de Schiele et de Kokoschka – la ville de Kurt Waldheim aussi .. – continue de susciter notre fascination. Vienne peut-elle encore nous fournir les mêmes réponses aux mêmes questions que nous ne cessons de nous poser? Nous le pensons. C'est pourquoi Vienne conservera la même présence dans notre adaptation. Il faudra donc refaire sa connaissance, voir ce que sont devenus les lieux du roman, Ruh-Land, l'Opern­-Café, « la ruelle qui descend, à Heiligenstadt », le Redou­tensaal .. 

Nous songeons aussi à ressusciter la Vienne du début de siècle dans les scènes de tournage du film que Catherine y interprète. Nous n'avons pas encore décidé du choix de ce film mais il s'agira probablement d'un remake d'un des films de cette école viennoise qui donna les œuvres les plus réputées d'Ophüls, Lubitsch ou Sternberg.

Le cinéma

Le cinéma jouera d'ailleurs un rôle plus important que dans le roman où les rôles interprétés par Catherine n'y sont évoqués qu'allusivement. Dans notre esprit, ils devraient être plus révélateurs de la personnalité de l'actrice et pourraient même prendre l'une des formes de ses fantasmes.

Comme nous l'avons laissé entendre plus haut, nous envisageons d'impliquer étroitement Fanny Ardant à l'élaboration du scénario : plus qu'une simple interprète, elle est disposée à mettre une part de sa propre histoire dans celle de Catherine Crachat. Pour lui faire face, dans le rôle de Fanny Félicitas, nous aimerions convaincre Hanna Schygulla.

Pierre Beuchot
Jean-Pierre Krémer

Juin 1986
Pour cette photo, source : Cinémathèque française Aventure de Catherine C. de Pierre Beuchot - Fanny Ardant et Hanna Schygulla


Réception

Jouve - Revue Nord' - décembre 1990

Janine Hache

Aventure de Catherine C.
Film réalisé par Pierre Beuchot

Revue Nord'
n° 16 - décembre 1990

extrait, page 74

(...)
L'un des moments les plus forts du film est sans doute celui où Cathe­rine et Fanny « mettent en scène» la mort d'Elisabeth et rejouent cette mort dans une sorte d'hallucination communicative. Fanny demande d'ailleurs à son amie d'écrire le scénario du film de sa vie. Tout est jeu entre les personnages, prétexte à haute chorégraphie, du grand art !. .. et nous, nous sommes tentés d'applaudir parfois: toujours devant la scène, jamais dedans.

Je pense d'ailleurs que c'est cet aspect-là du livre qui a, au premier chef, intéressé et séduit Beuchot. Son film en effet, est aussi du grand art, non exempt d'esthétisme, ce qui n'est nullement un reproche comme d'aucuns voudraient le laisser entendre. Cela signifie d'abord que les images y sont belles. Le décor, sans doute, s'impose d'emblée, par sa beauté.

Aucun lieu sordide n'est filmé (le seul endroit banal est ce quai de gare - au début et à la fin - auquel pourtant. l'obscurité et la pluie confèrent un charme très cinématographique); par contre, Vienne brille de tous ses feux dans l'épisode de l'opéra et le cinéaste s'attarde avec plaisir sur le décor baroque de la villa de Fanny. Sa caméra capte les tons chauds et lumineux des lampes du salon, des tissus moirés ou du soleil dans les cheveux roux de Hanna Schygulla.

Visiblement, on cherche à séduire le spectateur par de très beaux effets de clair-obscur, de contre-jour. Et il est séduit, en effet, bercé par les subtils mouvements de caméra qui caressent les visages, les doigts, avec bonheur, avec amour.

Le décor, les couleurs, les costumes donnent vie et âme aux épisodes qui s'enchaînent dans une douce harmonie ou au contraire dans un contraste violent, dû à un montage serré des images qui fait éclater les oppositions et les contradictions des personnages. Le choc est. alors visuel, entre, par exemple, les chatoiements du luxueux décor où vit la baronne et la chambre nue et sévère où Catherine apparaît prostrée.
(...) 


Publicité d'Aventure de Catherine C parue dans Le Monde des 9 et 10 septembre 1990 Publicité
Cahiers du Cinéma - 435 - Septembre 1990
Denis Scoupe

La Face cachée de la Lune
Aventure de Catherine C.

extraits, p. 70-71


Cahiers du Cinéma - 435 - Septembre 1990

D'emblée,  les premières images d'Aventure de Catherine C. nous plongent dans le noir et l'obscurité d'une mémoire décomposée.

(...)

Car Catherine est une star, un astre lumineux qui ne s'épanouit que lorsqu'il tourne. Mais ici, le spectateur  la voit plutôt en étoile filante, qui brille et meurt après chaque tournage.

(...)

Tiré du roman de Pierre-Jean Jouve Hécate, qui était pour les grecs la divinité de la magie et des enchantements, le film met en place une cosmogonie féminine réduite à deux personnages : Catherine et Fanny. L'étoile et la lune. Deux astres qui brillent dans la nuit, mais d'une façon différente. Le premier donne sa lumière, le second la reçoit des autres. Fanny est donc une femme dangereuse pour Catherine, car à peine jette-t-elle un regard sur son visage rond comme un miroir, sur ses yeux bleus comme l'océan, qu'elle est deshabillée par cette face visible de la lune, noyée par ces mers de la tranquilité. Il lui faudra du temps pour connaître ce que Fanny a derrière la tête, pour en voir enfin la face cachée. Et ce qu'elle y découvrira, c'est ce que l'on trouve toujours quand on s'approche d'un peu trop près de cet astre de nuit ; la magie et l'envoûitement. Fanny a autant de morts que d'amours sur la conscience. Des hommes, mais aussi des femmes.

(...)

Le spectateur, fasciné, mais un peu glacé par cette épure parfaite, regarde dans le ciel ces mouvements de planètes, et y voit pour finir son attente récompensée ; une étoile s'éteindre, la lune mourir, le tout sur une musique de Michel Portal. C'est quand même un spectacle qu'on ne voit pas tous les jours.

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Les photos et les documents du film ont été reproduits avec l'autorisation de Pierre Beuchot

Textes de Pierre Beuchot et Jean-Pierre Krémer © leurs auteurs

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Sous la Responsabilité de Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert

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Dernières mises à jour : 4 mai et 3 juin 2013
Précédente mise à jour : 18 mai 2011
Première mise en ligne : 19 octobre 2010