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Hommages et Créations


Serge Popoff L'Aube de la Lecture
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Stello Bonhomme

Comment la Couleur


Ehrenzweig par Stello Bonhomme

Chroma, chromatos :

 a ) surface d’un corps

 b ) couleur d’un corps


Faire un tableau, c’est fabriquer une fiction. Il s’agit de prendre le terme de fiction au  sens fort : faire un tableau, n’est pas raconter une histoire, mais participer à la création d’un monde légiféré par d’autres lois que celles que nous connaissons : le monde sacré par opposition au monde profane chez Mircea Eliade. Pour qu’il y ait monde, il faut qu’il y ait, d’une part, limite externe, c’est-à-dire une délimitation physique (ou, du moins, évidente, visible) de ce monde (cadre ou bords du tableau)  et, d’autre part, limite interne : structure. La question des rapports qu’entretiennent réalité et fiction n’étant pas ici notre propos, nous ne nous intéresserons qu’à la limite interne du tableau.

 
La célèbre dispute du XIXe siècle entre partisans du dessin et partisans de la  couleur concerne directement cette question. En effet, il s’agissait de savoir ce qui constituait l’élément législateur du tableau : la couleur légiférant la forme ou la forme légiférant la couleur.  Il n’est pas question de revenir sur l’issue de cette dispute, afin de réhabiliter le dessin, ou encore de trouver un autre élément législateur du tableau. La couleur nous convient. Il s’agit cependant de savoir comment.

En d’autres termes, comment la couleur légifère ?

 
Est-il possible d’imaginer un tableau sans sa couleur ? La couleur est-elle une qualité que je peux mentalement ôter d’un tableau sans que le tableau perde sa structure ? Au premier abord cela ne semble pas poser de problèmes. Il est même tout à fait possible de prendre une photo de tableau, de lui ôter toute sa couleur et de voir ainsi à quoi ressemblerait le tableau en niveaux de gris. Dans nombres de concours, on analyse des tableaux reproduits en noir et blanc, pour des raisons de budget. On peut même aller plus loin, à l’aide de n’importe quel logiciel de retouche d’images, en changeant l’ensemble des couleurs du tableau. Et le tableau, bien qu’affecté, ne perd pas pour autant l’ensemble de sa structure. Mais n’allons pas trop vite : nos retouches n’ont jamais en aucun cas affecté la couleur du tableau, mais seulement une qualité de la couleur : sa tonalité.

 
Dès lors, on ne peut pas considérer la couleur comme un concept simple au sens où il n’aurait qu’un seul pli. La couleur est un complexe constitué principalement de deux pôles. Elle est certes tonalité, comme une note a une certaine hauteur en musique, mais elle est également matière. Je fais deux monochromes avec exactement les mêmes pigments purs mais pour le premier j’utiliserai de l’acrylique et pour le deuxième de l’huile ( en imaginant que dans les deux cas je reproduise exactement les mêmes coups de pinceau) : les deux tableaux n’auront pas la même couleur, pas la même structure. Une même note n’est pas la même sur deux instruments, une même couleur n’est pas la même avec deux médias différents.

Bien qu’en elles-mêmes ces deux qualités ne structurent pas à proprement parler le tableau, c’est dans leur entre-deux que va se créer un troisième pôle : l’espace. La tonalité délimite l’espace horizontal, la matière, l’espace vertical. Prenons quelques exemples pour être plus clair :

1. espace A-B horizontal, limite externe tonalité

2. espace vertical par matière

En deçà et au delà du tableau subsiste également une structure interne du tableau, en l’absence du tableau lui-même.

 
a. La forme

La forme d’un tableau, c’est son corps sans vie, sans être pour autant son dessin. Il ne s’agit pas du tableau mais de son schéma. On peut en faire l’expérience par les reproductions de tableaux. Faux tableaux, grossiers fantômes de leur analogue vivant, ils gardent cependant une forme de structure approchante de ceux qu’ils représentent. La tonalité est morte, mais sert toujours à délimiter l’espace, non plus par leur tonalité propre mais uniquement par la différence avec la tonalité voisine.  En niveaux de gris, le tableau conserve son schéma.

 
b.Le tableau quitté vous tourmente et vous suit

Au-delà du tableau, dans son souvenir, reste un autre schéma, non plus structuré grossièrement par la forme, mais bien par touches de tonalités et présence de matière. Il ne reste souvent que quelques tonalités, extrêmement fortes, une mélodie. Et sous cette mélodie, une matière qui donne à ce tableau, pourtant absent, une présence stupéfiante. C’est dans le souvenir d’un tableau marquant que se niche la structure la plus frappante, la plus colorée et pourtant la plus vaporeuse de la peinture.


Lignes par Stello Bonhomme

  • Sur Dailymotion, une vidéo : Kaléidoscope d'enfance.

    Ce travail a été originellement pré́senté́ sous la forme d’un spectacle de lanterne magique à la bibliothéque municipale Louis Nucéra à Nice le samedi 10 mars 2012.

    Texte : Béatrice Bonhomme, fresque : Stello Bonhomme, filmage : Bérénice Bonhomme.



Fragments sur la Peinture de Stello Bonhomme

par Jean-Paul Gavard-Perret


Secret des banquises. La matin et le soir, le jour et la nuit – lune et soleil. Les heures et les minutes. Images de l’écart. Horloge nue. Eau perdue des rêves.  Que leur mort dure. Gris si gris, clairs si clairs. Le corps avec organes n’y est plus qu’une anatomie encastrée.

La peinture chevauche l’espace de son arc érotique. Mais un obstacle nous le cache : notre penchant immédiat à rapporter l’érotisme aux seuls mouvements représentables et donc aux figures sexuelles. Duchamp l’a bien prouvé avec sa Mariée et Stello Bonhomme le rappelle : l’art n’appelle que la jouissance du sens dans sa propre jouissance célibataire et vierge qui advient dans le secret comme l’amour et le déchiffrement.

 Ici la peinture n’est plus un  « semblant », il vient à bout du ressemblant pour faire toucher à d’autres rivages qu’elle-même sécrète. Se dénuder plus profond que les organes vers un autre organisme. Contempler le secret dans l’ouvert.

Où étais-je ? Ou suis-je maintenant ? Comment me suis-je retrouvé dans cette étrange clarté. Stello Bonhomme fait perdre le sens de la convexité du monde où l’autre en nous étire sa distance. Qui peut venir à nous ? Ni le présent maniaque, ni le présent mélancolique. L’un n’est qu’un horizon de postérité, l’autre d’antériorité. Poids du fond économe du cri dans le vide.

Insistance des œuvres d’un tel peintre : se déposséder. Lâcher les sûretés. Tenir par le fil de lignes à refaire, à reprendre sans cesse par effet de taches et de couleurs moirées. Il faut « écouter » et non entendre la peinture tendue de la petite voix qui ne sortira jamais. Giclées par bribes. Paroles détimbrées.

Disposer le crâne comme nature morte. Qu’il perde son osséité, cessant d’avoir l’impénétrabilité d’un heaume. Rien à protéger.

Au détour du temps la peinture le fait tourner. Que cela soit impossible n’empêche pas. Écouter les couleurs et leur joie qui traversent le silence. Soudain la peinture sort du mutisme sans passer par l’apaisement du silence car le mutisme n’est pas le silence. Le silence est sans peur, sans désir, sans souffrance. Le mutisme est livré à la peur, au désir, à la souffrance.


Orange par Stello Bonhomme 
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Précédente mise à jour : 19 mars 2009